L'homme de l'Amérique à Benghazi
Le titre de l’article du Washington Post que je vous propose est on ne peut plus clair. Il l’aurait été cependant encore davantage s’il avait été plus affirmatif : car ce chef militaire, Khalifa Hifter dont je vous ai déjà parlé, est depuis un bon moment un homme des Etats Unis. Et on a comme l’impression qu’il est un de ces multiples greffons qui sont venus s’agréger à ce qui était au départ un mouvement populaire de mécontentement pour le transformer en mélange de scission à l’intérieur du pouvoir libyen et d’ingérence étrangère. Des acteurs différents qui cohabitent et semblent unis contre le régime de Tripoli mais qui poursuivent des objectifs distincts.
Un peu comme cette coalition qui agit sous la bannière de l’OTAN…
Le but de l’article est cependant clairement de nettoyer l’image d’Hifter et d’en faire un authentique opposant patriote qui a passé 20 ans aux Etats Unis sans que les services secrets de ce pays n’exigent et n’obtiennent jamais rien de lui. L’Oncle Sam est décidément trop sympa et je vais commencer à croire au Père Noël.
Pas tant que ça au fond, puisque Khalifa Hifter dit lui avoir adressé la liste des armes dont il a besoin mais que tonton Sam a fait la sourde oreille.
Encore des faux-semblants car bien sûr que les Etats Unis ont livré des armes aux rebelles, mais certainement pas à n’importe lesquels, ceux en qui ils ont parfaitement confiance. Si Kadhafi tombe, il y aura une lutte pour le pouvoir chez les rebelles et le mieux équipé et le plus soutenu par l’étranger aura les meilleures chances de l’emporter.
Hifter est sans doute de ceux là. Ce qui n’est apparemment pas le cas d’Abdul Fattah Younes qui est aussi à la tête des forces rebelles mais qui n’aurait aucune influence sur les combattants !
A part ça, j’ai bien aimé sa phrase : « J’attendais plus de la part du pays [les USA] où j’ai vécu et qui m’a aidé personnellement »
Une phrase typique de quelqu’un de complètement soumis car si on comprend bien, c’est lui qui a une dette envers les Etats Unis, et non l’inverse.
Le chef militaire rebelle veut être l’homme de l’Amérique sur le terrain en Libye
par Leila Fadel, The Washington Post (USA) 12 avril 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Benghazi, Libye - Khalifa Hifter a passé ces 24 dernières années aux Etats-Unis mais est rentré soudainement en Libye le mois dernier pour rejoindre les rebelles qui combattent pour renverser Mouammar Kadhafi. Maintenant, en qualité de nouveau commandant sur le terrain de la force militaire naissante, cet homme de 67 ans essaye de vite améliorer la situation pour les combattants qui ont besoin de plus d’entraînement, de plus d’armes et, dit-il, de plus de soutien de la part des Etats-Unis.
« Beaucoup de choses vont changer, » affirme Hifter, assis derrière un grand bureau en bois au centre de commandement militaire de ce bastion rebelle, à environ cent kilomètres de la ligne de front fluctuante où les forces loyales à Kadhafi et les rebelles avancent puis reculent. « Je vais les former pour qu’ils suivent les ordres et restent sous contrôle. La vraie bataille commencera quand nos forces seront regroupées. »
C’est le genre de pari difficile. C’est également le cas pour la place de Hifter parmi les rebelles. Certains disent qu’il tente de jouer le premier rôle alors qu’il est entré tardivement dans la partie, après avoir passé des années loin du pays. Il est aussi en compétition avec Abdul Fattah Younes ; commandant des forces armées ici, pour la direction de l’armée rebelle. Younes était ministre de l’intérieur de Kadhafi et commandant des forces spéciales libyennes, mais il a fait défection en février pour rejoindre les rebelles.
Hifter avait aussi été du côté de Kadhafi. Il avait pris part en 1969 au coup d’Etat qui avait amené le dirigeant Libyen au pouvoir et, dans les années 1980, il était devenu un héros de la guerre de la Libye avec le Tchad voisin. Mais, entré en désaccord avec Kadhafi en 1987, Hifter s’était installé dans une banlieue de Virginie où, dit-il, il a fait ce qu’il pouvait pour aider l’opposition libyenne.
« Je conduisais la plus importante force en Libye orientale ; les gens me connaissent et les Etats-Unis me connaissent, » déclare Hifter dans sa première interview depuis sa nomination comme responsable du commandement opérationnel vendredi. « J’ai attendu pendant toutes ces années de pouvoir saisir une telle occasion. »
Avant de quitter son domicile de Falls Church à la mi-mars, Hifter dit avoir été contacté par la CIA et l’ambassadeur US en Libye parce que des officiels à Washington, désireux d’en savoir le plus possible sur l’opposition, avaient appris ses projets de rentrer en Libye. La CIA a refusé de s’exprimer à ce sujet.
Hifter explique avoir demandé aux Américains la livraison de missiles, de roquettes, de transports de troupes blindé et de véhicules de reconnaissance. Il a été accueilli en héros à son arrivée en Libye orientale, mais il regrette de ne pas avoir reçu de réponse des Etats Unis au sujet de sa demande et est déçu par ce silence.
“J’attendais plus de la part du pays où j’ai vécu et qui m’a aidé personnellement,” dit-il dans cette interview faite lundi. « J’ai un rôle décisif dans la révolution. »
Chris Stevens, un émissaire US qui est arrivé à Benghazi la semaine dernière pour faire le point sur le Conseil National de Transition » des rebelles et le soutien dont il dispose, n’a pas encore rencontré Hifter. Hifter n’a pas eu de contacts directs avec l’OTAN mais a indiqué que son fils faisait partie de ceux qui discutaient avec des officiels de l’OTAN.
Hifter avait fréquenté l’école militaire avec Kadhafi, mais il affirme qu’après avoir pris le pouvoir, Kadhafi avait rapidement « dévié » vers un pouvoir narcissique.
Hifter dit que Kadhafi l’avait abandonné après lé guerre désastreuse au Tchad. Il avait trouvé refuge aux Etats Unis, dit-il, travaillant avec d’autres transfuges de l’armée pour fonder une organisation d’opposition.
A son retour en Libye, Hifter a trouvé une armée rebelle formée de volontaires non entraînés et de soldats déserteurs qui s’est avérée désorganisée, mal équipée et incapable de garder ses positions.
Hifter s’est plaint qu’une diminution des frappes aériennes de l’OTAN a permis aux forces de Kadhafi de se regrouper. Et il dit que ces frappes devraient à nouveau être contrôlées par les Etats Unis, ajoutant qu’elles étaient plus efficaces sous le commandement américain. En dépit de l’insistance de Washington pour affirmer qu’elle n’armerait pas les rebelles, il a aussi appelé les Etats Unis à fournir des armes « de pointe » à ses troupes.
Malgré les difficultés, Hifter semble être confiant pour sa nouvelle mission et il se promet de transformer l’armée rebelle d’un assemblage hétéroclite de combattants indisciplinés en force capable de battre les forces loyales à Kadhafi.
Hifter n’a guère cherché à minimiser sa rivalité avec Younes. Il souligne qu’ils ont été aussi tous deux dans la même école militaire mais que leurs chemins ont divergé. « Il est resté avec Kadhafi pendant 42 ans et j’ai fait défection il y a 24 ans, » explique Hifter qui ajoute que Younes n’a aucune « prise » sur ses décisions ou sur ses troupes.
“Il n’y avait aucun contrôle quand nos nouvelles opérations ont commencé,” déclare Hifter. «On va avoir maintenant un commandant pour contrôler les choses. »
Libellés : Abdulfattah Younes, Benghazi, Chris Stevens, CIA, Etats Unis, Khalifa Hifter, Libye, Mouammar Kadhafi, OTAN, Tchad, Tripoli
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