Hanoucca revisitée par David Shasha
Je vous avais déjà proposé un texte de David Shasha dans lequel ce dernier s'en prenait aux doctrines cabalistiques qu'il associait d'ailleurs au sionisme. David Shasha revient à la charge en traitant maintenant de Hanoucca, la fête juive dite des lumières.
Un texte instructif et à méditer
Notes sur Hanoucca: les Macchabées et les 'traditions inventées' par le sionisme
par David Shasha, Mondoweiss (USA)1er décembre 2010 traduit de l'anglais par Djazaïri
1. Le fête juive de Hanoucca, un mot hébreu signifiant "consacré", est une petite fête juive sans aucune source biblique.
2. Hanoucca est une fête historique qui commémore la victoire d'une famille sacerdotale appelée les Macchabées sur les Séleucide gréco-syriens en 165 av. JC. Ces Macchabées ne cherchaient pas seulement à vaincre les occupants grecs, mais aussi à défaire leurs alliés Juifs, ceux qu'on appelait les "Juifs hellénisants."
3. Nos sources rabbiniques ne nous ont pas gardé d'informations historiques fiables. Mais les rabbins ont déterminé les exigences légales de la fête, la simple prescription d'allumer des bougies pendant huit nuits dans le Tractate Shabbat du Talmud babylonien. Cette discussion juridique, notre seule source juive "officielle" pour cette fête, est annexée à une discussion bien plus large sur le problème complexe de l'allumage de bougies pour le Sabbat.
4. Notre source historique pour cette fête est un apocryphe, Le Livre des macchabées 4.52 ff. qui nous parle de la reconsécration du Temple le 25 kislev, date traditionnelle pour Hanoucca.
5. Les rabbins qui ont canonisé les écrits hébraïques à Yavneh vers 100 après JC ont omis d'inclure Le Livre des Macchabées dans leur Bible. On peut spéculer de bien des manières sur cette exclusion du Livre des macchabées de la Bible massorétique.
6. Les rabbins considéraient la dynastie hasmonéenne comme usurpatrice de la fonction sacerdotale dans le Temple et dans le royaume. Les Hasmonéens étaient des prêtres issus du peuple et qui n'appartenaient pas au lignage Zadokite et ils avaient pris sur eux de diriger la rébellion contre Antiochos et les Syro-Grecs. Du point de vue rabbinique, tous les résultats positifs obtenus par la défaite des Séleucides étaient contraires à le lettre même de la loi juive concernant la succession sacerdotale telle qu'explicitée par les sources rabbiniques.
7. Nous pouvons maintenant examiner le lignage hasmonéen et son impact sur la culture juive dans le judaïsme pharisien et post-pharisien. En gros, les premiers Hasmonéens sont restés fidèles aux traditions légales juives sur le modèle rabbinique. Mais au fil des générations, les hasmonéens ont continué à accroître leurs pouvoirs et à oublier les traditions qui avaient animé la rébellion au début. Au nadir du pouvoir hasmonéen, l'usurpation du trône par l'usurpateur Iduméen Hérode; qui était en principe un membre du clan hasmonéen par son mariage dans la famille, marqua le couronnement de plusieurs décennies d'hellénisation des prêtres du Temple.
8. Il convient donc d'observer que les rabbins étaient tout sauf satisfaits des spécimens physiques de la dynastie hasmonéenne qui peuplaient l'enceinte du Temple à leur époque. Il semblerait donc logique que les rabbins aient cherché à expurger les traces historiques de la révolte des macchabées et les raisons pour la célébration de la fête de Hanoucca.
9. Mais les rabbins ne pouvaient pas supprimer une fête qui avait des racines populaires aussi bien dans les masses juives que dans l'élite sacerdotale. ILS ont alors élaboré le récit hagiographique d'une fiole d'huile qui avait été découverte dans les vestiges du temple et qui était la seule huile "pure" à utiliser pour allumer la Menora, le candélabre hébraïque: selon les rabbins, cette huile, en quantité suffisante pour un jour, avait duré les huit jours de la cérémonie de reconsécration. Il est curieux de noter que la menora du temple comportait sept branches tandis que la Menora de Hanoucca en a neuf.
10. Le récit de la fiole d'huile a été occulté à dessein des fondements historiques de la fête qui, en plus du Livre des macchabées, apparait au chapitre 7 du livre 12 des Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe. Nos sources historiques ne nous disent rien de la fiole d'huile mais nous parlent longuement des macchabées et de leur guerre contre les Syriens.
11. Comme on le sait, les rabbins étaient divisés sur leurs propres aspirations et désirs concernant l'indépendance juive. Il y avait une faction emmenée par R. Akiba qui continuait à lutter pour l'indépendance juive tandis qu'une autre faction, emmenée par le rabbin Yohanan Ben Zakkai, voulait faire la paix avec les occupants et à développer une nouvelle expérience nationale juive basée sur l'étude et la pratique des traditions écrites et orales de la foi hébraïque. Selon ce modèle, les Juifs vivraient en paix avec les Romains en échange de la liberté religieuse et de l'autonomie communautaire.
12. La fête de Hanoucca, d'évidence une fête nationaliste, une fête qui était plus politique que spirituelle, fut mise au second plan du calendrier liturgique. Les rabbins s'intéressaient moins à l'indépendance politique qu'à la restauration de l'étude de la Torah par les Macchabées La Hanoucca rabbinique est une fête contemplative qui souligne la chaleur des liens familiaux et la liberté de culte obtenue pour les Juifs par la révolte des macchabées.
13. Avec la double émergence de nouvelles tendances à l'époque moderne, le nationalisme juif sous la forme du sionisme et l'attention accrue portée aux modèles de comportements des Gentils et à l'assimilation, la fête de Hanoucca, à la place assez mineure dans le calendrier juif comme nous l'avons dit, prend un rôle significatif nouveau.
14. Pour les sionistes, la révolution des macchabées était un modèle historique alternatif au récit standard des rabbins. Avec les macchabées; les sionistes ont trouvé un modèle historique valide sur lequel baser leur propre nationalisme judéen. Au lieu de maintenir les codes et les croyances des sages talmudistes, les sionistes ont re-constitué une "nation" juive sur des "traditions inventées" qui étaient profondément informées par le paradigme des Macchabées.
15. Dans le récit sioniste, les Macchabées hellénisants ont été scotomisés et les Macchabées nationalistes mis en valeur. L'évolution qui a conduit à Hérode puis à la destruction finale du Temple de Jérusalem en 70 après JC a été effacée, tout comme le modèle d'évolution de R. Yoahanan Ben Zakkai et l'émergence d'un nouveau judaïsme humaniste basé sur le rassemblement pendant cette période de sources de la tradition écrite et orale sous la forme des écritures massorétiques et de la Mishna, aboutissant à l'œuvre majeure du formalisme rabbinique, le Talmud de Babylone.
16. Le sionisme s'est perçu lui-même comme héritier de la révolution des Macchabées, et non des rabbins. Le quiétisme des rabbins a été éliminé au profit d'une nouvelle agressivité qui faisait peu de cas des implications culturelles et religieuses de cette réorientation de la vie juive. Le sionisme a été une tentative de restauration de la vie nationale juive au détriment des impératifs religieux élaborés dans la diaspora par les Sages Juifs.
17. Le degré croissant d'assimilation des Juifs dans la société gentille a fait de Hanoucca une fête qui vise à rivaliser avec Noël, une grande fête chrétienne qui est, avec le jour de l'an, au cœur même de la définition du christianisme. Au cours du siècle dernier, Noël a pris d'énormes proportions et a servi de moteur au consumérisme occidental.
18. Ainsi, les Juifs qui se sentaient mal à l'aise avec leur propre religion se sont tournés vers Hanoucca comme un vers une fête "jumelle" qui se tient à proximité de Noël.
19. Donc, en résumé, Hanoucca est une fête juive très mineure dont la signification a été obscurcie par la manière dont le judaïsme a utilisé le matériau historique source et par la manière dont les rabbins juifs ont cherché à imposer leur propre empreinte sur la définition de la fête. Les Juifs modernes ont reformulé cette fête et lui ont donné un nouveau sens qui n'a à la base aucun lien inhérent avec le sens historique ou avec le sens religieux (s) de la commémoration, transformant ainsi Hanoucca en une «grande» fête juive.
David Shasha est directeur du Center for Sephardic Heritage à Brooklyn, New York. Il a écrit des articles pour le Huffington Post et publie une letter électronique hebdomadaire, Sephardic Heritage Update.Pour vous abonner à la newsletter visitez: http://groups.google.com/group/Davidshasha,.
Un texte instructif et à méditer
Notes sur Hanoucca: les Macchabées et les 'traditions inventées' par le sionisme
par David Shasha, Mondoweiss (USA)1er décembre 2010 traduit de l'anglais par Djazaïri
1. Le fête juive de Hanoucca, un mot hébreu signifiant "consacré", est une petite fête juive sans aucune source biblique.
2. Hanoucca est une fête historique qui commémore la victoire d'une famille sacerdotale appelée les Macchabées sur les Séleucide gréco-syriens en 165 av. JC. Ces Macchabées ne cherchaient pas seulement à vaincre les occupants grecs, mais aussi à défaire leurs alliés Juifs, ceux qu'on appelait les "Juifs hellénisants."
3. Nos sources rabbiniques ne nous ont pas gardé d'informations historiques fiables. Mais les rabbins ont déterminé les exigences légales de la fête, la simple prescription d'allumer des bougies pendant huit nuits dans le Tractate Shabbat du Talmud babylonien. Cette discussion juridique, notre seule source juive "officielle" pour cette fête, est annexée à une discussion bien plus large sur le problème complexe de l'allumage de bougies pour le Sabbat.
4. Notre source historique pour cette fête est un apocryphe, Le Livre des macchabées 4.52 ff. qui nous parle de la reconsécration du Temple le 25 kislev, date traditionnelle pour Hanoucca.
5. Les rabbins qui ont canonisé les écrits hébraïques à Yavneh vers 100 après JC ont omis d'inclure Le Livre des Macchabées dans leur Bible. On peut spéculer de bien des manières sur cette exclusion du Livre des macchabées de la Bible massorétique.
6. Les rabbins considéraient la dynastie hasmonéenne comme usurpatrice de la fonction sacerdotale dans le Temple et dans le royaume. Les Hasmonéens étaient des prêtres issus du peuple et qui n'appartenaient pas au lignage Zadokite et ils avaient pris sur eux de diriger la rébellion contre Antiochos et les Syro-Grecs. Du point de vue rabbinique, tous les résultats positifs obtenus par la défaite des Séleucides étaient contraires à le lettre même de la loi juive concernant la succession sacerdotale telle qu'explicitée par les sources rabbiniques.
7. Nous pouvons maintenant examiner le lignage hasmonéen et son impact sur la culture juive dans le judaïsme pharisien et post-pharisien. En gros, les premiers Hasmonéens sont restés fidèles aux traditions légales juives sur le modèle rabbinique. Mais au fil des générations, les hasmonéens ont continué à accroître leurs pouvoirs et à oublier les traditions qui avaient animé la rébellion au début. Au nadir du pouvoir hasmonéen, l'usurpation du trône par l'usurpateur Iduméen Hérode; qui était en principe un membre du clan hasmonéen par son mariage dans la famille, marqua le couronnement de plusieurs décennies d'hellénisation des prêtres du Temple.
8. Il convient donc d'observer que les rabbins étaient tout sauf satisfaits des spécimens physiques de la dynastie hasmonéenne qui peuplaient l'enceinte du Temple à leur époque. Il semblerait donc logique que les rabbins aient cherché à expurger les traces historiques de la révolte des macchabées et les raisons pour la célébration de la fête de Hanoucca.
9. Mais les rabbins ne pouvaient pas supprimer une fête qui avait des racines populaires aussi bien dans les masses juives que dans l'élite sacerdotale. ILS ont alors élaboré le récit hagiographique d'une fiole d'huile qui avait été découverte dans les vestiges du temple et qui était la seule huile "pure" à utiliser pour allumer la Menora, le candélabre hébraïque: selon les rabbins, cette huile, en quantité suffisante pour un jour, avait duré les huit jours de la cérémonie de reconsécration. Il est curieux de noter que la menora du temple comportait sept branches tandis que la Menora de Hanoucca en a neuf.
10. Le récit de la fiole d'huile a été occulté à dessein des fondements historiques de la fête qui, en plus du Livre des macchabées, apparait au chapitre 7 du livre 12 des Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe. Nos sources historiques ne nous disent rien de la fiole d'huile mais nous parlent longuement des macchabées et de leur guerre contre les Syriens.
11. Comme on le sait, les rabbins étaient divisés sur leurs propres aspirations et désirs concernant l'indépendance juive. Il y avait une faction emmenée par R. Akiba qui continuait à lutter pour l'indépendance juive tandis qu'une autre faction, emmenée par le rabbin Yohanan Ben Zakkai, voulait faire la paix avec les occupants et à développer une nouvelle expérience nationale juive basée sur l'étude et la pratique des traditions écrites et orales de la foi hébraïque. Selon ce modèle, les Juifs vivraient en paix avec les Romains en échange de la liberté religieuse et de l'autonomie communautaire.
12. La fête de Hanoucca, d'évidence une fête nationaliste, une fête qui était plus politique que spirituelle, fut mise au second plan du calendrier liturgique. Les rabbins s'intéressaient moins à l'indépendance politique qu'à la restauration de l'étude de la Torah par les Macchabées La Hanoucca rabbinique est une fête contemplative qui souligne la chaleur des liens familiaux et la liberté de culte obtenue pour les Juifs par la révolte des macchabées.
13. Avec la double émergence de nouvelles tendances à l'époque moderne, le nationalisme juif sous la forme du sionisme et l'attention accrue portée aux modèles de comportements des Gentils et à l'assimilation, la fête de Hanoucca, à la place assez mineure dans le calendrier juif comme nous l'avons dit, prend un rôle significatif nouveau.
14. Pour les sionistes, la révolution des macchabées était un modèle historique alternatif au récit standard des rabbins. Avec les macchabées; les sionistes ont trouvé un modèle historique valide sur lequel baser leur propre nationalisme judéen. Au lieu de maintenir les codes et les croyances des sages talmudistes, les sionistes ont re-constitué une "nation" juive sur des "traditions inventées" qui étaient profondément informées par le paradigme des Macchabées.
15. Dans le récit sioniste, les Macchabées hellénisants ont été scotomisés et les Macchabées nationalistes mis en valeur. L'évolution qui a conduit à Hérode puis à la destruction finale du Temple de Jérusalem en 70 après JC a été effacée, tout comme le modèle d'évolution de R. Yoahanan Ben Zakkai et l'émergence d'un nouveau judaïsme humaniste basé sur le rassemblement pendant cette période de sources de la tradition écrite et orale sous la forme des écritures massorétiques et de la Mishna, aboutissant à l'œuvre majeure du formalisme rabbinique, le Talmud de Babylone.
16. Le sionisme s'est perçu lui-même comme héritier de la révolution des Macchabées, et non des rabbins. Le quiétisme des rabbins a été éliminé au profit d'une nouvelle agressivité qui faisait peu de cas des implications culturelles et religieuses de cette réorientation de la vie juive. Le sionisme a été une tentative de restauration de la vie nationale juive au détriment des impératifs religieux élaborés dans la diaspora par les Sages Juifs.
17. Le degré croissant d'assimilation des Juifs dans la société gentille a fait de Hanoucca une fête qui vise à rivaliser avec Noël, une grande fête chrétienne qui est, avec le jour de l'an, au cœur même de la définition du christianisme. Au cours du siècle dernier, Noël a pris d'énormes proportions et a servi de moteur au consumérisme occidental.
18. Ainsi, les Juifs qui se sentaient mal à l'aise avec leur propre religion se sont tournés vers Hanoucca comme un vers une fête "jumelle" qui se tient à proximité de Noël.
19. Donc, en résumé, Hanoucca est une fête juive très mineure dont la signification a été obscurcie par la manière dont le judaïsme a utilisé le matériau historique source et par la manière dont les rabbins juifs ont cherché à imposer leur propre empreinte sur la définition de la fête. Les Juifs modernes ont reformulé cette fête et lui ont donné un nouveau sens qui n'a à la base aucun lien inhérent avec le sens historique ou avec le sens religieux (s) de la commémoration, transformant ainsi Hanoucca en une «grande» fête juive.
David Shasha est directeur du Center for Sephardic Heritage à Brooklyn, New York. Il a écrit des articles pour le Huffington Post et publie une letter électronique hebdomadaire, Sephardic Heritage Update.Pour vous abonner à la newsletter visitez: http://groups.google.com/group/Davidshasha,.
Libellés : ¨sionisme, Bible, David Shasha, Hanoucca, Judaïsme, Macchabées, Pharisiens, Torah, Yavne
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