Il n'y a pas de soulèvement populaire en Syrie
John R.
Bradley est un observateur Britannique de la scène politique du Proche Orient.
Sa notice biographique nous indique un parcours assez typique de l’élite
britannique avec une formation entre autres à l’University College de Londres
et à Oxford.
M.
Bradley publie souvent dans des organes de presse comme The Spectator, The
Jewish Chronicle ou The Daily Mail comme pour l’article que je vous propose.
Politiquement, il semble être un conservateur de type traditionnel, pas un néoconservateur.
Son
analyse du « printemps arabe » le range aussi parmi les sceptiques,
sauf qu’il a du mal à admettre que son pays et les pays alliés au sien (France,
Etats Unis etc.) ont agi en connaissance de cause pour empêcher les « révolutions » d’aller
jusqu’au bout en Tunisie et en Egypte et en ont carrément fomenté en Libye et
en Syrie.
M.
Bradley n’arrive en effet pas à comprendre pourquoi son pays soutient des
tendances politiques rétrogrades contre le gouvernement syrien qui, malgré bien
des tares, assure le respect de toutes les confessions. Pour l’auteur de l’article,
l’Occident soutient en Syrie un soulèvement populaire imaginaire.
Je
refuse cependant de mettre, comme il le fait, dans le même sac le parti
En-Nahda en Tunisie et les sectaires que les forces de l’OTAN ont aidés à
éliminer Kadhafi ou ceux qui dominent la rébellion en Syrie. Entre En-Nahda et
les autres, il y a plus que des nuances et un contexte intérieur et régional
bien différent.
Il est
par contre vrai que l’issue des évolutions en cours en Tunisie et en Egypte est
des plus incertaines comme dans n’importe quel processus politique de cette
ampleur.
Les
autorités syriennes font en réalité face à un conglomérat redoutable de candidats
à la dictature et, surtout, d’une des versions les plus sectaires des Frères
Musulmans et d’autres groupes appartenant à la mouvance « salafiste ».Tous
sont fortement inféodés aux monarchies pétrolières, à l’Arabie saoudite en
particulier.
.
M. Bradley
devrait savoir que si ces « islamistes » sont rigoristes en matière
de mœurs et de littéralisme doctrinal, ils sont par contre libéraux en matière
économique et flexibles devant le problème posé par le régime sioniste.
Et c’est
tout ce qui importe.
par John Bradley, The Daily Mail (UK) 29 mai
2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
La spirale de la mort continue en Syrie
Depuis plus d’un an, Depuis plus d’un an maintenant, ce malheureux pays arabe
est en proie à la sauvagerie avec la contestation du régime autoritaire du
président Bachar al-Assad par des insurgés.
La brutalité des deux côtés s’est traduite
par un catalogue de plus en plus fourni d’atrocités qui provoquent chez la
population syrienne une crainte de plus en plus forte de voir le pays sombrer
dans la guerre civile.
Ces inquiétudes n’ont fait que s’exacerber
avec les informations dur le massacre commis dans la ville de Houla où on dit
que plus de 100 civils ont été massacrés la semaine dernière par les forces
gouvernementales.
Parmi les tués, se trouvaient pas moins de 40
enfants et 34 femmes.
Dimanche dernier, le Conseil de Sécurité de
l’ONU – réuni en urgence – a condamné à nouveau fermement Assad et a réitéré
ses appels à un cessez-le-feu entre les autorités et les rebelles.
Ici, en Grande Bretagne, le ministre des
affaires étrangères William Hague s’en est non seulement pris à Assad dans les
termes les plus vigoureux, mais a aussi exigé une pression internationale pour
provoquer sa chute. Hier, la Grande Bretagne – et d’autres puissances
occidentales – ont annoncé l’expulsion des diplomates Syriens en poste chez
elles.
Même l’idée d’une intervention militaire
occidentale contre Assad n’a pas été écartée.
Aux Etats Unis, le général Martin E. Dempsey,
chef de l’état-major interarmes, a indiqué que des troupes américaines
pourraient être envoyées pour aider les rebelles. « Il y a toujours une
option militaire, » a-t-il dit. Hague lui-même s’est livré à de bruyantes
rodomontades ces derniers jours.
L’expression de l’indignation au sujet de
Houla et les menaces subséquentes d’action militaire, tout cela s’accorde avec
le schéma narratif occidental conventionnel de la crise syrienne, dans lequel
Assad est dépeint comme un tyran sanguinaire et les rebelles comme des
combattants héroïques de la liberté qui essayent de délivrer le peuple syrien
de l’oppression.
Cette image a été soigneusement cultivée par
le camp anti-Assad qui s’est montré maître dans la propagande manipulatrice
destinée à de crédules politiciens Occidentaux, aux chaînes de télévision et
aux organisations militantes.
Mais la vérité sur la violence en Syrie est
beaucoup plus complexe que ce que voudraient nous faire croire les ennemis
d’Assad.
Bien sûr, ces effusions de sang meurtrières
doivent être condamnées et il est certain qu’une tragédie humaine est en cours.
Le régime Assad est à l’évidence repoussant et ses actions indéfendables, ce
qui fait qu’un authentique et pacifique soulèvement populaire ne peut être que
justifié et compréhensible.
Cependant, contrairement à ce que Hague
pourrait soutenir, nous sommes devant tout à fait autre chose qu’une
confrontation directe entre une dictature et un peuple.
Si le soulèvement avait commencé par des
manifestations pacifiques de Syriens ordinaires, la notion simpliste du bon
contre le méchant ne reflète plus la réalité.
Même au niveau le plus élémentaire, cous ne
savons pas ce qui s’est réellement passé à Houla. ‘La vérité est la première
victime de la guerre’ dit sagement le vieil adage.et tout ce que nous avons
pour le moment, ce sont les affirmations des deux camps.
Les rebelles accusent Assad tandis que le
régime du président conteste fermement et absolument toute responsabilité dans
la tuerie, soulignant le fait que la plupart des victimes semblent avoir été
tuées à bout portant, à un moment où les forces gouvernementales se servaient
de mortiers de gros calibre contre les rebelles.
Propagande pour se convaincre soi-même ?
Peut-être, mais dans ces phases les plus sombres des conflits, les histoires
d’atrocités ont souvent été exagérées et exploitées.
Rien qu’en février par exemple, juste avant
un vote décisif à l’ONU sur des sanctions contre la Syrie, on nous avait dit
que plus de 200 civils avaient été tués par les forces d’Assad pendant le
bombardement meurtrier de Homs, un bastion rebelle.,
Mais il s’est avéré par la suite que le vrai
bilan des victimes était de 55 morts.
En outre, on devrait reconnaître que les
rebelles sont accusés d’actes de barbarie qui n’ont rien à envier à ceux du
régime d’Assad.
Ces derniers mois, ils ont été accusés d’une
série d’attaques terroristes cruelles dans les grandes villes, dont des
attaques à la voiture piégée et des attentats suicide. De leur côté, ils
affirment que ces attentats étaient l’œuvre d’Assad. Mais qui peut savoir la
vérité ?
Cette sombre image d’une violence
mutuellement meurtrière fait qu’il est absurde pour Hague de prétendre qu’il
s’agit simplement d’un combat moral entre la bassesse du régime d’Assad et la
noblesse de ses opposants.
Le fait est qu’il n’y a pas de soulèvement du
peuple syrien contre le gouvernement. Pas plus qu’il n’y a eu de manifestations
d’ampleur contre la présidence d’Assad dans les deux plus grandes villes du
pays, Alep et Damas, où les seules manifestations massives à s’être tenues
avaient été en faveur du président.
Certains essayent d’expliquer l’absence de
manifestations massives en soutenant que c’est la nature tyrannique du régime
qui les empêche, mais ça ne résiste pas à l’examen. En Egypte, la police,
l’armée et les services de sécurité du président Moubarak étaient bien plus
puissants que ceux d’Assad dans la Syrie d’aujourd’hui, elles n’avaient
pourtant pas pu empêcher les énormes manifestations populaires..
Il n’y a rien eu de ce genre en Syrie, parce
que la réalité est que l’opposition ne représente pas la volonté de la
population. En fait, elle est une force majoritairement islamiste qui veut
mettre un terme à l’attachement d’Assad à un régime sécularisé sous lequel – à
côté de toutes les tares du régime – les drois des minorités religieuses sont
respectés.
L’instance de coordination de l’opposition,
le Conseil National Syrien (CNS) est dominé par la ligne dure des Frères
Musulmans qui militent pour l’imposition de la charia. Le CNS est puissamment
soutenu par des djihadistes armés sur le terrain qui veulent créer un Etat
islamique anti-occidental en Syrie.
Ces zélotes ont obtenu armes et soutien
financier auprès des régimes musulmans fondamentalistes d’Arabie Saoudite et du
Qatar car tous deux veulent promouvoir un islamisme ultraconservateur dans
toute la région.
Il est grotesque que notre propre ministre
des affaires étrangères considère de notre devoir de prendre fait et cause pour
ces fanatiques en Syrie qui n’éprouvent d’intérêt ni pour la négociation, ni
pour la démocratie.
Hague est tout simplement dans l’erreur s’il
pense que nous avons quoi que ce soit à gagner d’une intervention dans ce pays.
La position britannique est marquée par
l’hypocrisie. Hague fulmine au sujet des droits de l’homme en Syrie parce que
cette affaire domine l’actualité internationale, mais ne dit pourtant rien sur
les violations des libertés en Arabie Saoudite, simplement parce que ce pays se
trouve être notre allié riche en pétrole.
Il critique la Russie pour son soutien à
Assad mais reste silencieux sur le soutien apporté par le Qatar à des
djihadistes meurtriers.
Nos politiciens ne semblent pas non plus
avoir tiré une quelconque leçon du soi-disant printemps arabe qu’ils
présentaient enthousiastes l’an dernier comme un triomphe sur la dictature. Les
choses ne se sont guère passées ainsi.
Dans presque tous les pays où le printemps
arabe a prévalu, le résultat a été plus d'oppression, plus de paralysie
économique et plus d’autocratie religieuse.
Ainsi, en Tunisie, le pays qui était
auparavant le plus sécularisé et progressiste du monde arabe, des bandes de
voyous salafistes arpentent désormais les rues, menaçant les femmes qui ne
portent pas le voile et incendiant des magasins qui osent vendre de l’alcool.
Au Yémen, al Qaïda contrôle maintenant d’importantes zones au sud du pays,
tandis qu’en Egypte, le premier tour de l’élection présidentielle a débouché
sur un duel entre un islamiste tenant de la ligne dure et un ancien sbire de
Moubarak – pas vraiment la victoire de la démocratie qui avait été promise au
peuple égyptien au plus fort de la révolution.
Tout cela explique en bonne partie pourquoi
la population syrienne a majoritairement refusé de soutenir les rebelles. Elle
voit ce qui s’es passé ailleurs au Moyen Orient et elle en tremble.
Assad a peut-être du sang d’enfants sur les
mains, mais aux yeux de la majorité de son peuple, il offre au moins une
certaine stabilité et un certain progrès économique, alors que la perspective
d’un pouvoir djihadiste dignifie puritanisme et paralysie.
Il serait scandaleux de sacrifier la vie de
soldats Britanniques dans ce conflit dans lequel nous n’avons aucun intérêt
national.
Trop de vies ont déjà été perdues dans des
aventures idéologiques en Afghanistan et en Irak. Mais le coût de ces deux
guerres ne sera rien à côté ds terribles conséquences d’une intervention en
Syrie
Même si nos forces réussissaient à expulser
Assad du pouvoir, nous serions entraînés dans un bourbier sanglant au moment où
nous tenterions de discuter d’un accord entre les factions en guerre.
Notre intervention en Libye a bien pu déposer
un tyran – mais seulement au prix de la mise au pouvoir de milices islamiques
meurtrières et de la dégradation de l’infrastructure de cette nation. Les
dégâts que nous causerions en Syrie seraient encore plus grands.
Dans tous les cas, en cette période de coupes
sombres dans le budget militaire, nous ne sommes tout simplement pas en mesure
d’intervenir – alors la rhétorique agressive de Hague est de toute façon à peine autre chose qu’une
simple posture.
John R. Bradley est l’auteur de After The
Arab Spring : How Islamists Hijacked tje Middle East Revolts (Palgrave
Macmillan)
Libellés : Alep, Arabie Saoudite, Bachar al-Assad, Conseil National Syrien, Damas, Egypte, Grande Bretagne, Homs, Houla, Libye, Qatar, Syrie, Tunisie, William Hague
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home