La Turquie, l'Iran et les deux Azerbaïdjans
On sait que l’Iran se trouve dans la région
du Moyen Orient et entretient une frontière avec l’Afghanistan à l’est et l’Irak
à l’ouest. On oublie ou néglige cependant trop souvent le fait que ce pays se
trouve aussi aux marches du Caucase, une région dont l’instabilité n’a rien à envier à celle
des Balkans.
Ceci pour dire que l’Iran se trouve au cœur d’un
jeu d’influences et de rapports de forces
complexe avec des risques évidents d’affrontements militaires. Ces
rapports de force locaux s’insèrent aussi , pétrole et gaz obligent, dans les
stratégies géopolitiques des grandes puissances, les Etats Unis en premier
lieu.
Comme on l’a vu, un des foyers de tension
dans la région a trait aux relations entre l’Azerbaïdjan et la Turquie d’une
part et l’Arménie d’autre part. Ce dernier pays pouvant compter sur l’amitié historique de l’Iran, république islamique ou
pas.
En fait la qualité des relations entre l’Arménie et l'Arménie est d’un tel niveau qu’un certain nombre d’Azeris s’en trouvent irrités au plus
haut point.
On peut ainsi lire sur le site francophone d’une agence de presse azerie que :
Un groupe de jeune ont tenu le 11 mai vendredi des actions de protestation devant l’ambassade de l’Iran en Azerbaïdjan.
Un peu plus loin, on peut lire ce que
reprochent ces jeunes au gouvernement iranien :
Mahmoud Ahmadinejad qui n’a parlé jamais au génocide commis par les arméniens contre les azerbaïdjanais à Karabakh, a déposé des fleurs sur le monument de génocide soi-disant arménien. Nous, les jeunes azerbaïdjanais ne donnerons pas la possibilité aux propagandes iraniennes dans notre pays.
Voilà, Mahmoud Ahmadinejad, le négateur de l’holocauste
a déposé une gerbe de fleurs sur le monument dédié au génocide arménien à Erevan.
Pourtant Mahmoud Ahmadinejad n’ignore pas que
ce geste a un poids symbolique incommensurablement plus faible que quelques
minutes de recueillement en kippa à Yad Vashem. Ce que les Azeris semblent savoir également.
Et si Ahmadinejad est un laïc, on peut
supposer d’après le slogan entendu à Bakou qu’il n’est pas le bienvenu en
Azerbaïdjan :
«Les mollahs iraniens homosexuels n’ont pas de place en Azerbaïdjan !»
Charmant !
Ceci pourrait paraître un peu anecdotique et
ne pas prêter vraiment à conséquence. Voire, parce que plusieurs
millions d’Azeris (les estimations
varient de 15 à 30 millions !) vivent dans la région iranienne d’Azerbaïdjan
. Et qu’il existe à Bakou des velléités
d’unification de l’Azerbaïdjan en incluant la région iranienne qui porte ce
nom dans l’actuel Etat azeri.
Je dirais que la situation est quand même gérable tant
que d’autres puissances ne s’immiscent pas dans cette affaire.
Une période qui est sans doute en train de se
terminer puisque la Turquie, sans doute moins par panturquisme que dans le cadre
d’une mission attribuée par l’OTAN pour déstabiliser l’Iran vient de s’inviter
dans les relations irano-azeries.
On peut ainsi lire dans le journal turc Zaman
que :
Les Azeris Iraniens créent un conseil national en Turquie et aspirant à l’indépendance.
Ces indépendantistes Azeris se présentent cependant
comme “indépendants” de puissances tierces:
Les Azeris Tucs ont aussi souligné pendant la conférence de presse – désireux sans doute de ne pas être associés à des intentions d’Israël ou des Etats Unis à l’égard de l’Iran –que leur recherche de l’indépendance n’a rien à voir avec une possible intervention militaire en Iran par les Etats Unis ou avec une frappe aérienne israélienne contre les sites nucléaires iraniens. Ils assurent que leur but est un rêve séculaire qui remonte à une époque antérieure à la fondation de l’Iran moderne en 1925 et est donc indépendante de toute autre initiative.
Rien à redire ?
Ben si, parce que le Dr. Yasemen Karakoyunlu,
responsable des études stratégiques de ce conseil azeri ajoute ce qui suit :
Si les Etats Unis ont des plans quelconques pour l’Iran, ils devraient en parler non seulement avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, mais aussi avec les Azeris Turcs en Iran.
On nous dit certes que ces nationalistes
Azeris critiquent les autorités d’Ankara parce qu’elles s’intéressent de près
au dossier palestinien (tiens, tiens !) pour
lequel elles donnent de la voix mais ne s’intéressent pas à l’Azerbaïdjan
iranien. Et qu’une première réunion de ce conseil national a été empêchée à
Ankara les 12 et 13 mai par le gouvernorat d’Ankara suite à des "pressions iraniennes ".
Ils ont pourtant pu se réunir dans
la même ville trois jours après et tenir une conférence de presse !
Or, il va de soi que si elles l’avaient voulu,
les autorités turques auraient aisément pu interdire cette réunion et/ou la
conférence de presse.
Alors, est-ce là un moyen de plus de mettre
la pression sur Téhéran ?
En tout cas, la Turquie joue dans la région un jeu extrêmement
dangereux dont elle ne sortira gagnante qu’en rêve.
Libellés : Arménie, Azerbaîdjan, Bakou, génocide arménien, Iran, Mahmoud Ahmadinejad, Palestine, Turquie, Yad Vashem
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