Pourquoi le cessez-le-feu ne tiendra pas en Syrie
Les hostilités semblent s’être arrêtées ce matin en Syrie. Maintenant, la question est de savoir si le cessez-le-feu va tenir, permettant ainsi l’amorce d’une solution politique.
Rien n’est moins sûr et il est probable que le cessez-le-feu ne tiendra pas bien longtemps parce que ni l‘opposition armée, ni les pays de l’OTAN n’y ont un quelconque intérêt.
Leur intérêt est effectivement que la situation continue à se dégrader et que le pays s’enfonce complètement dans la guerre civile et devienne une proie facile pour une intervention qui se ferait selon une variante du modèle libyen puisqu’une des puissances étrangères intervenantes, la Turquie, partage plusieurs centaines de kilomètres de frontières terrestres avec la Syrie.
L’opposition armée étant globalement neutralisée ou dominée en Syrie même, l’étincelle de départ se produira probablement à la frontière syro-turque car, ainsi que l’explique clairement Pepe Escobar, les rebelles et autres mercenaires ou soldats étrangers lancent leurs attaques à partir du territoire de la Turquie qui leur offre un sanctuaire à quelques mètres seulement du territoire syrien.
NB : l’idéal serait cependant que je doive faire mon mea culpa pour cause de cessez-le-feu durable
par Pepe Escobar, Asia Times (Hong-Kong) 11 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Il y a une vidéo qu’on pourrait intituler assez librement « Terroristes du côte turc de la frontière tirant du côté syrien », ce qui résume assez précisément ce qui se passe dans cet actuel point chaud géopolitique extrêmement volatile.
La voix qui commente dit, “C’est la frontière syro-turque, et c’est une opération de l’Armée Syrienne Libre [ASL]… La porte [celle qui se situe du côté syrien de la frontière où se trouve le point de contrôle va être prise.»
Ce qui veut dire que la Turquie abrite l’ASL à seulement quelques mètres – et non à des kilomètre - du territoire syrien. Après avoir accueilli un centre de contrôle et de commandement de l’OTAN à Iskenderun il y a plusieurs mois maintenant – un fait déjà signalé par Asia Times Online – la Turquie s’avance désormais juste à la frontière, permettant un aller et retour de guerilleros/mercenaires lourdement armés pour attaquer un Etat souverain.
Imaginez un scénario semblable se produire, par exemple, à la frontière des Etats Unis avec le Mexique, en Arizona ou au Texas.
On peut le voir comme une interprétation très particulière par Ankara des « refuges de protection » et des «corridors humanitaires» tels qu’ils sont mis en avant par le principal modèle proposé pour un changement de régime en Syrie : un rapport du Saban Center de la Brookings Institution rédigé par l’habituel de pro-Israël d’abord et avant tout et «d’experts» du Moyen orient affiliés au Qatar.
Alors attendez-vous à voir un film aux conséquences innombrables; l’ASL attaquant un poste frontalier syrien, tuant des soldats avant de se replier sous une pluie de projectiles qui troucheront inévitablement un camp de réfugiés Syriens tout proche.
L’escalade à la frontière illustre crûment le scenario plus large: la guerre civile.
Le ministre Turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu - avec sa fameuse politique de « zéro problème avec nos voisins » - a dû brusquement interrompre son voyage en Chine pour rentrer en Turquie à cause de l’escalade à la frontière. Ce serait très éclairant de savoir comment la direction politique de pékin lui a fait savoir que les trucs d’agents provocateurs de la Turquie revenaient à jouer avec le feu.
L’escalade à la frontière prouve aussi que l’OTAN n’est pas du tout intéressée par la réussite du cessez-le-feu présenté généralement comme le plan de Kofi Annan (c’est en fait uenversion diluée des plans de la Russie et de la Chine). Les problèmes vont continuer à s’aggraver – comme le suggère un reportage de Russian TV.
Il est évident qu’un gouvernement souverain – la Syrie dans le cas présent – doit exiger des garanties écrites que les opposants armés se conformeront au cessez-le-feu d’Annan.
La raison la plus importante pour laquelle ils ne le feront pas – et ils l’ont souligné publiquement – n’est pas seulement que l’ASL et les guérillas dissidentes continuerons à être armés par le Qatar et la monarchie saoudienne, et renforcés par des « rebelles » Libyens envoyés en Syrie ; c’est que deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Grande Bretagne et la France – ont également leurs forces spéciales sur le terrain, engagées dans la formation, le enseignement et des opérations de combat.
La question à mille milliards de livres turques est de savoir si Ankara ira plus loin et mettra vraiment en place les « zones refuges », ce qui reviendra à une implication directe dans la guerre civile syrienne, c’est-à-dire une déclaration de guerre contre Damas. C’est exactement ce que l’ASL implorait les Turcs de faire.
Mais même cela serait insuffisant pour renverser le régime de Bachar al-Assad.
Quant à l’appareil policier et militaire d’Assad, il serait bien inspiré de ne pas se laisser provoquer à aller vers une orgie de tortures, d’exécutions sommaires et de bombardements d’artillerie – car ce sont les conditions nécessaires pour le maintien du soutien diplomatique des principaux membres du BRICS, la Russie et la Chine. Une fois encore, les Syriens ordinaires, pris entre deux feux, seront les tragiques perdants.
Libellés : Ahmet Davutoglu, ASL, BRICS, Chine, France, Grande Bretagne, Kofi Annan, Libye, ONU, OTAN, Pepe Escobar, Russie, Syrie, Turquie
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home