Les nouveaux "amis" de la Syrie
Charles Glass est ce qu’on appelle communément
un journaliste chevronné,
du genre qui a pris des risques dans le cadre de son travail sans jamais perdre
de vue les questions d’éthique professionnelle ni sa responsabilité de citoyen.
Charles Glass est un homme de paix dont la
culture historique et politique lui permet de situer les événements dans le
contexte qui est le leur sans se faire déborder par des prétendus bons
sentiments qui aboutissent comme on le sait à la guerre et à la destruction.
Il a de
plus certainement des idées assez saines sur l’amitié et il nous parle
justement de la prétendue affection pour la Syrie dont témoignent en ce moment
des pays comme la France ou la Grande Bretagne.
Demandez-vous
justement quel bien ont pu faire ces pays à la Syrie dans l’histoire
contemporaine.
Pas
difficile : aucun bien mais beaucoup
de mal dans la foulée des accords Sykes-Picot qui créeront la situation
favorable à l’enracinement du sionisme dans la région.
Charles Glass, The national (EAU) 11 juillet
2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
La semaine dernière, la France a accueilli la
troisième conférence du Groupe des Amis du peuple syrien, un ramassis de 107
pays et organisations sur le modèle des Amis de la Libye qui avaient applaudi à
la guerre aérienne menée par l'OTAN dans ce pays.
En France, les représentants des Etats Unis,
de la Turquie, de la Grande Bretagne, de la France, du Qatar, de la Corée du
Sud et d’ailleurs ont témoigné de leur amitié dans un communiqué aussi vaque
que tendancieux.
Le groupe a appelé à ce nouvelles sanctions
économiques, à une assistance humanitaire aux victimes de la violence et à
« une action plus forte du Conseil de Sécurité des nations Unies.» Il a
promis la punition des criminels de guerre du gouvernement [syrien], tout en
omettant de suggérer que les rebelles qui violent les Conventions de Genève
devraient recevoir ne serait-ce qu’une amende pour stationnement gênant.
Les Syriens sont désormais entourés d’encore
plus de nouveaux amis qu’un gagnant du loto. Jamais , depuis l’époque où l’ex
Union Soviétique signait tous ces « traités d’amitié » avec tout le
monde, de la Finlande à l’Afghaistan, un pays n’a eu autant de nouveaux amis.
Comment la Syrie a-t-elle pu devenir
populaire au point que la moitié des membres de l’ONU se ruent à son
secours ? Quel autre pays peut prétendre posséder l’amitié de plus de 100
Etats souverains ? Qu’est-ce qui a inspiré cette subite affection pour la
Syrie ?
Où se cachaient ces amis pendant ces
cinquante dernières années ? Que faisaient-ils en 1967 quand Israël s’est
emparé du Golan syrien ? Quelle aide ont-ils envoyée aux plus de
100 000 citoyens Syriens quand Israël a démoli leurs villages et les a
expulsés de chez eux ? Quelle avait été leur réaction devant l’annexion
illégale du Golan par Israël en 1981 ? Ont-ils pris position contre les 30
colonies implantées par Israël sur des terrains volés à des Syriens ?
Appellent-ils à des sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il se retire du
territoire syrien, démantèle ses colonies et permettre aux habitants du Golan
de rentrer chez eux ?
Vous connaissez la réponse. Les Syriens
aussi.
Serait-il malséant d’insinuer que les amis de
la Syrie veulent retirer quelque chose de la Syrie pour eux-mêmes ? George
Bush avait la Syrie dans le collimateur au moment où il a quitté la maison
Blanche et, comme sous bien d’autres aspects, l’administration Obama prolonge
cette politique.
Le 5 mars 2007, Seymour Hersh, dont les
sources auprès des services de renseignements US sont incomparables, écrivait
dans le New Yorker :
«Pour affaiblir l’Iran, qui est majoritairement chiite, l’administration Bush a décidé, en effet, de redéfinir ses priorités au Moyen Orient. Au Liban, l’administration Bush a coopéré avec le gouvernement d’Arabie Saoudite, qui est sunnite, dans des opérations clandestines qui visent à affaiblir le Hezbollah, l’organisation chiite qui est soutenue par l’Iran. Les Etats Unis ont aussi pris part à des opérations clandestines contre l’Iran et son allié syrien. Un sous-produit de ces activités a été le renforcement d’organisations extrémistes sunnites qui adhèrent à une vision militante de l’Islam et sont hostiles à l’Amérique et ont de la sympathie pour al Qaïda.»
La Syrie est une maison en feu, et les Etats
Unis et la Russie sont arrivés avec des lance-flammes.
Ainsi, les armes ont afflué en quantité pour
les deux camps – du moins jusqu’à la semaine dernière quand la Russie a cessé
ses livraisons.
Un conflit qui exige un règlement
diplomatique se perpétue avec une aide extérieure, pour des intérêts
extérieurs.
Si les amis de la Syrie ont entrepris la
destruction de la Syrie, ils s’y prennent bien. Le vosin s’est tourné contre
son voisin. Des gens qui se considéraient comme Syriens il y a deux ans, sont
maintenant devenus des Sunnites, des Druzes, des Chrétiens ou des Alaouites.
La CIA arme et guide les combattants à
proximité de la frontière avec la Turquie, comme elle l’avait fait autrefois
avec les Contras anti-sandinistes le long de la frontière entre le Honduras et
le Nicaragua.
Pour éviter le contrôle parlementaire comme
dans le cas du Nicaragua, les Etats Unis se sont tournés à nouveau vers
l’Arabie Saoudite. Les Britanniques dirigent des opérations contre le
gouvernement syrien depuis le Liban. La France, indiquent mes sources, joue un
rôle similaire depuis la Turquie et le Liban. La Russie et la Turquie se
disputent l’influence dans un pays dont les citoyens détestent l’une et
l’autre.
Il n’y a pas qu’une escalade meurtrière mais,
à l’instar d’affrontements fratricides ce l’Espagne de 1936 à la Yougoslavie de
1992, elle devient de plus en plus personnelle et sournoise. Personne ne gagne,
à part le croque-mort. Et pourtant, ça continue avec chaque camp certain de la
justesse de sa cause.
Il y a beaucoup de versions de ce conflit. Elles
sont toutes vraies et elles sont toutes fausses. Personne ne croit aux
affirmations insistantes du gouvernement selon lesquelles ses opposants sont
tous des mercenaires étrangers. Trop de Syriens à Homs et à Idlib ont péri pour
qu’on puisse nier la dimension interne du conflit.
Mais les affirmations de l’opposition selon
lesquelles elle a respecté le plan de cessez-le-feu d’Annan ne résistent pas à
l’examen. Les forces de l’opposition ont attaqué des locaux des services de
sécurité, des barrages routiers , des autobus et des casernes pour faire porter
les torts au gouvernement quand il a réagi.
Ils affirment en outre que leur soulèvement
est entièrement d’origine nationale, alors qu’ils reçoivent des armes, de la
formation, des conseils, des moyens de transport et de l’argent de
gouvernements et de services secrets étrangers.
Le rôle des acteurs externes est aussi clair
qu’il l’était à l’époque où la Grande Bretagne prétextait le soi-disant « réveil
arabe » pour expulser les Ottomans de Syrie en 1918. Tout comme ces
rebelles ont découvert deux ans après que la liberté et l’indépendance ne
feraient pas forcément l’affaire de leurs puissants soutiens.
Si les sanctions imposées par les amis [de la
Syrie], l’armement de l’opposition et l’envoi d’espions et de fournitures ne
réussissent pas à obtenir le résultat voulu en Syrie, les amis [de la Syrie]
invoqueront les récits des oppositions armées pour exiger une intervention
militaire des Etats Unis.
« Chaque
fois que nous nous lançons dans une guerre où que nous allons dans un pays, »
écrivait Edmund Wilson dans Patriotic Gore, faisant allusion à la conquête de
nombreux territoires par l’Amérique depuis le Mexique jusqu’aux Philippines, «c’est
toujours pour libérer quelqu’un.»
Charles Glass est l’auteur de plusieurs
livres sur le Moyen Orient, dont Tribes with Flag et The Northern Front :
An Iraq War Diary. Il est aussi éditeur avec la maison d’éditionCharles Glass
Books à Londres.
Libellés : Etats Unis, George W. Bush, Golan, Irak, Kofi Annan, Liban, Russie, Seymour Hersh, Syrie, Turquie
2 Comments:
Article intéressant à traduire
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/jul/12/syrian-opposition-doing-the-talking?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+theguardian%2Fcommentisfree%2Frss+%28Comment+is+free%29
Oui, j'ai commencé à le traduire vers 18h mais il est vraiment long, alors je ne sais pas si j'irai jusqu'au bout. le site Infosyrie, proche du gouvernement syrien, en restitue l'essentiel de la teneur.
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