vendredi, novembre 18, 2011

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Ce que pourrait (aurait pu?) être la voie vers le changement et la paix en Syrie


Jonathan Steele est ce qu’on appelle un journaliste chevronné. C’est cependant dans une tribune libre qu’il livre son analyse de ce qui pourrait permettre une issue positive à la crise en Syrie.

Son propos est très clair et il rejoint les thèses que je vous avais présentées tantôt. Dans l’affaire syrienne, il est patent que les régimes occidentaux jouent un rôle de fermeture méthodique  de toutes les issues vers une solution pacifique et négociée et que leur but est une guerre civile.

Comme l’écrivait Ehsani sur Syria Comment, le schéma occidental passe par le constitution d’une zone sanctuarisée en territoire syrien à partir de laquelle une opposition armée pourrait agir à l’abri de représailles.

Un tel schéma serait sans doute insuffisant pour renverser le régime au pouvoir, mais suffisant pour l’affaiblir. Les puissances occidentales semblent cependant ne  pas toutes avoir le même agenda pour la Syrie. La France, ancienne puissancemandataire ne l’oublions pas, semble être la plus en pointe comme sur le dossier libyen.

Les implications stratégiques ne sont cependant pas les mêmes ici car toute intervention militaire des occidentaux aurait des conséquences immédiates sur leur protégé, à savoir l’entité sioniste.
Ces conséquences seraient même à double détente. : tout d’abord une riposte militaire syrienne et sans doute libanaise sur le territoire de l’entité sioniste puis, en cas de changement de régime à Damas, l’arrivée au pouvoir de dirigeants partisans d’une escalade avec le régime sioniste, ou tout simplement incapables d’empêcher des actions de résistance aux frontières avec l’Etat voyou.

La seule solution pour éviter un tel scénario serait une intervention militaire massive, éclair avec occupation du territoire et élimination physique de l’encadrement baathiste de la société syrienne..
On voit mal l’ONU, (ou la Chine et la Russie)  donner son feu vert à quelque chose de ce genre et je n’imagine pas non plus quels pays pourraient se lancer dans une telle aventure qui, pour avoir une chance de succès, devrait impliquer la participation de l’armée turque et surtout celle de l’armée sioniste.
Pour cette dernière, il est vrai que ce serait de fait une occasion inespérée d’assouvir en partie son aspiration d’étendre son territoire du Nil jusqu’à l’Euphrate.

On peut essayer, avec Jonathan Steele, d’être optimiste et souhaiter la réussite des tentatives de médiation menées par la Russie mais aussi par l’Iran qui a également pris langue avec les opposants au pouvoir baathiste.
Ceci dit, le chemin vers la paix en Libye était encore plus clair grâce à une Union Africaine dont les efforts avaient été consciencieusement sabotés par le France et la Grande Bretagne. Et Alain Juppé a en ce moment des accents qui rappellent furieusement ceux qui étaient les siens dans l’affaire libyenne.

Ici, pas d’Union Africaine, seulement une Ligue Arabe discréditée.



En suspendant un pays en crise, la ligue Arabe réduit les possibilités pour le régime Assad de négocier pacifiquement un virage dangereux.

Par Jonathan Steele, The Guardian (UK)17 novembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

La Syrie est au bord de la guerre civile et  la Ligue Arabe semble, de manière insensée, avoir décidé de pousser dans cette direction. Une perspective horrible au moment où le Qatar et l’Arabie Saoudite, les faucons du Golfe, sont rejoints par l’habituellement modéré roi Abdallah de Jordanie pour prendre parti en faveur des opposants au régime syrien d’Assad.

Alors que le bon sens enjoignait aux gouvernements arabes de chercher à servir de médiateurs entre le régime et ses opposants, ils ont au contraire choisi d’humilier les dirigeants de la Syrie en la suspendant de la Ligue Arabe.

Ce n’est pas un hasard si la minorité des membres de la Ligue Arabe qui a refusé de suivre cette décision comprend le Liban, l’Irak et l’Algérie. Ce sont trois pays arabes qui ont éprouvé eux-mêmes une grave violence sectaire et les horreurs de la guerre civile.  Le Liban et l’Irak en particulier, sont un intérêt direct à empêcher une effusion de sang à grande échelle en Syrie. Ils craignent à raison un énorme afflux de réfugiés à leurs frontières en cas de basculement de leur voisin dans la guerre civile.

Cette guerre a déjà commence. L’image d’un gouvernement abattant des manifestants désarmés, qui était vraie en mars et avril derniers, n’est plus d’actualité. La dénommée Armée Syrienne Libre ne dissimule plus le fait qu’elle combat et tue des membres de la police et des forces gouvernementales, et qu’elle opère depuis des bases à l’abri en dehors des frontières syriennes. Si elle monte en puissance, la guerre civile naissante prendra une tournure encore plus ouvertement sectaire avec le risque de pogroms contre des communautés rivales.

Les Sunnites modérés en Syrie sont préoccupés par le renforcement de la présence militante des Frères Musulmans et des salafistes qui se retrouvent en position dominante dans les rangs de l’opposition. Les grandes manifestations pro-gouvernementales à Alep et Damas la semaine dernière ne peuvent pas être simplement mises au compte de foules intimidées ou menacées de perdre leur emploi si elles ne descendent pas dans la rue pour le régime.

Dans le même temps, l’importante minorité chrétienne de Syrie est submergée par l’inquiétude,  craignant de subir le même sort que les Chrétiens Irakiens qui ont été contraints de fuir quand le sectarisme meurtrier a accentué la saillance de l’identité religieuse de chaque citoyen et a commencé à accabler également les non Musulmans. Dans le nord de la Syrie, les Kurdes sont aussi nerveux au sujet de leur avenir. En dépit du refus ancien et persistant par le régime de reconnaître leurs droits nationaux, la plupart d’entre eux craint encore plus les Frères Musulmans.

Le régime Assad a commis erreur sur erreur. Stupéfait par les premières manifestations du printemps dernier, il a recouru trop vite à la force. Il a empêché la présence de la presse étrangère et censuré sa propre presse et sa télévision, laissant ainsi le champ libre aux rumeurs, à l’exagération et aux distorsions de séquences vidéo diffusées au hasard sur YouTube. Ses offres de dialogue avec l’opposition ont été hésitantes et n’ont pas semblé sincères. Les attaques de ces derniers jours contre des ambassades arabes à Damas ont été stupides.

Le résultat en a été que la situation s’est de plus en plus polarisée. Le régime dénonce l’opposition basée à l’étranger, le Conseil National Syrien (CNS)) créé le mois dernier, comme étant une marionnette des gouvernements étrangers. De son côté, le CNS refuse de discuter avec le régime et insiste sur la nécessité du départ d’Assad. Il s’est lancé dans des appels à une zone d’exclusion aérienne et à une intervention étrangère sur le modèle libyen, qui sont autant d’incitations à la guerre civile. L’opposition de l’intérieur n’est pas allée aussi loin mais pourrait être poussée dans cette direction si la situation continue à se durcir.

La Syrie a aujourd’hui besoin d’une médiation internationale avant qu’il ne soit trop tard, avec un échéancier pour une transition démocratique qui comprendrait des garanties de statut pour toutes les minorités, dont pour les Alaouites à laquelle appartiennent les élites au pouvoir. Le risque d’une domination accompagnée d’une vengeance par la majorité sunnite est trop grand.

Exiger le départ de la famille Assad est contre-productif sauf si une amnistie est proposée. Pourquoi les Assad accepteraient-ils de céder le pouvoir pacifiquement au vu des précédents de Moubarak (emprisonnement et jugement) et de Kadhafi (lynchage) ?  Du moins, la Cour pénale Internationale n’est pas de la partie, ce qui aurait rendu la crise encore pire.

La réunion de la Ligue Arabe ce mercredi à Rabat a montré des signes que l’organisation commençait peut-être à avoir des doutes sur sa décision hâtive de suspendre la Syrie samedi dernier. La décision n’était pas conforme aux statuts de la Ligue qui prévoient que seul un sommet des chefs d’Etat arabes peut appeler à la suspension d’un membre, et que la décision doit être prise à l’unanimité. La Ligue Arabe vient de reporter l’application de la mesure. Elle a donné trois jours à la Syrie pour accepter des observateurs civils et militaires pour contrôler la situation sur le terrain. [cet aspect des démarches de la Ligue Arabe est présenté de manière biaisée  ou fort discrètepar vos journaux, NdT].

Si cela devait devenir un effort sérieux de médiation, tant mieux. Le meilleur modèle est l’accord qui avait mis un terme à la guerre civile au Liban, obtenu après des discussions à Taef en Arabie Saoudite en 1989. Quoique négocié par les diverses parties  et groupements d’intérêts libanais, le parrainage et le soutien saoudiens avaient été importants.

L’éventualité que l’Arabie Saoudite joue un tel rôle aujourd’hui est fort douteuse. Ardemment soutenue par l’administration Obama, la monarchie semble pencher pour une stratégie anti-iranienne dans laquelle le renversement d’un régime syrien dominé par des Chites est conçu comme un coup indirect porté contre Téhérn. Les Saoudiens et les Américains coopèrent étroitement avec les forces sunnites de Saad Hariri à Beyrouth qui n’ont toujours pas digéré d’avoir perdu leur contrôle du gouvernement libanais ce printemps.

La Turquie avait tenté une médiation pendant l’été, mais sa démarche avait été taxée de duplicité par le régime Assad parce que la Turquie aidait en même temps l’opposition syrienne à s’organiser à Istanbul. Ecartelée ente son désir d’avoir de bonnes relations avec l’Iran voisin ainsi qu’avec les régimes sunnites arabes,  la Turquie  s’est rangée entièrement du côté anti-Assad. Les pressions des Etats Unis et l’accord renouvelé  de Washington pour fermer les yeux sur les incursions de l’armée turque contre les bases de la guérilla kurde dans le nord de l’Irak ont sans doute joué un rôle.
En théorie, l’ONU pourrait assurer une médiation, mais ses démarches pour négocier un arrêt de la guerre civile en Libye n’avaient eu aucun soutien de la part des membres occidentaux du Conseil de sécurité. Avec leur attitude anti-Assad et contre une amnistie, ils semblent tout aussi peu disposés à rechercher la paix en Syrie. Seule la Russie a eu la sagesse de soutenir le dialogue et d’adresser un message fort en ce sens quand des opposants Syriens avec la visite à Moscou d’opposants Syriens.

La Ligue Arabe peut encore désigner un groupe d’éminents Arabes indépendants pour entendre toutes les parties impliquées dans la crise syrienne et rechercher un nouveau «Taef.» Cette équipe devrait comprendre des membres Chiites et Sunnites. Mais la ligue Arabe doit d’abord repousser l’hystérie anti-iranienne que les USA, Israël et l’Arabie Saoudite excitent dans le Golfe. L’abîme d’une guerre civile totale en Syrie est beaucoup plus réel. Et il est très proche.

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posted by Djazaïri at 10:00 PM

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