Dis Tonton, c'est quoi la Mesira?
Si vous ignorez ce qu’est la mesira, vous trouverez ci-après une explication illustrée par un cas concret.
Vous apprécierez au passage le magnifique exercice de pilpoul que constitue cet article. Le pilpoul est en effet une technique de bavardage appelée communément « enculage de mouches » dans les banlieues et qui consiste à vous démontrer que ce qui est impossible est en fait possible tout en restant impossible. Ou encore que ce qui est juste est injuste mais reste finalement juste ; que ce qui est vrai est faux tout en restant cependant vrai.
Et donc que la mesira s’applique mais ne s’applique pas tout en s’appliquant.
Si vous supprimez le bourdonnement des mouches, vous comprenez que la mesira s’applique et que son application ou non dépend strictement des risques que son application fait encourir à 1) la personne concernée 2) l’autorité en matière de loi talmudique.
Et vous vous direz que l'application de cette loi aide à mieux comprendre certains évènements récents.
par Ron Kampeas, Jewish Journal (USA) 14 septembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Dans une sale d’audience de Los Angeles, le système judiciaire fédéral est entré en collision avec un des aspects les plus épineux du droit juif.
Le rabbin Moshe Zigelman, 64 ans, a déjà passé deux ans en cellule pour une affaire de fraude fiscale et de blanchiment d’argent qui a aussi vu le grand rabbin de la secte hassidique Spinka envoyé en prison. La combine consistait à solliciter des dons déductibles des impôts puis à restituer en secret une grande partie de l’argent aux donateurs.
Les procureurs fédéraux menacent maintenant de prolonger le séjour en prison de Zigelman, le secrétaire particulier du rabbin de la secte de Spinka, pour son refus de témoigner et d’iimpliquer d’autres personnes devant un grand jury.
Les avocats de Zigelman expliquent que ses convictions religieuses ne lui permettent pas de témoigner. Ils invoquent les lois de mesira, la prescription talmudique qui interdit à un Juif de donner des informations sur un autre Juif à des autorités non juives. En termes contemporains, c’est une sorte de règle juive de non dénonciation.
Le concept de mesira, qui signifie littéralement « livraison », remonte aux époques où les gouvernements étaient souvent hostiles aux Juifs et que livrer un Juif aux autorités pouvait aboutir à une injustice et même à la mort.
Les règles de la mesira sont toujours en vigueur dans le monde orthodoxe [la grande majorité des Juifs sont d’obédience orthodoxe, NdT], en raison à la fois de l’inviolabilité des origines talmudiques du concept et du caractère d’isolat de nombreuses communautés orthodoxes. Mais elles sont aussi sujettes à débat quant à savoir si l’interdiction s’applique dans une démocratie moderne qui se targue de procédures régulières et de respect des droits civiques.
«La question de l’interdit fixé par la mesira reste l’objet de différends sur son applicabilité dans une démocratie juste,» déclare le rabbin Michael Broyde, professeur de droit à l’université Emory.
Les autorités rabbiniques sont divisées sur la question, en fonction surtout de leur place dans le spectre de l’orthodoxie. La question est si sensible que certains chefs religieux ont des réticences à en parler publiquement, beaucoup reconnaissant que ce sujet est susceptible d’affecter négativement la façon dont les Juifs sont perçus.
.La tendance « moderne orthodoxe » tend à conseiller de ne pas invoquer la mesira aux Etats Unis, sauf dans des cas où il existe un rare consensus pour dire qu’un auteur présumé de délit a été dénoncé parce qu’il est Juif, par un individu antisémite en position d’autorité.
“La mesira n’est pas applicable dans une société où n’existe pas d’antisémitisme official et où la justice est raisonnablement exempte de corruption,” explique le rabbin Yosef Blau, conseiller spiritual du séminaire théologique Eichanan affilié à la Yeshiva University [faculté talmudique].
Les hassidiques et d’autres autorités ultra-orthodoxes cependant, tendent à percevoir les règles de la mesira comme toujours pertinentes dans le contexte américain. Mais ils voient des exceptions pour lesquelles on peut permettre de livrer un coreligionnaire juive aux autorités séculières – par exemple dans les cas de «din rodef», la justice appliquée à celui qui poursuit pour assassiner, quand le malfaiteur présumé menace une vie. Ces dernières années, certaines autorités rabbiniques ont dit que l'interdiction d’informer [la police et la justice] ne s'appliquait pas à ceux qu'on soupçonne d'agresser sexuellement des enfants.
«Dans certains cas, comme quand un Juif est une menace pour les autres, elle ne s’applique pas mais la mesira est une loi religieuse importante et un Juif observant prend ce genre de choses très au sérieux,» explique le rabin Avi Shafran, directeur des affaires publiques pour Agudath Israel en Amérique, une organisation qui encadre la communauté juive ultra-orthodoxe.
Shafran, qui a répondu aux questions par courrier électronique,précise que le rôle de la mesira dans l'Amérique contemporaine a été une pomme de discorde pour ceux qui décident en matière de droit juif. Mais il a aussi observé que feu le rabbin Moshe Feinstein, souvent considéré récemment comme prééminent en matière de décision chez les orthodoxes, avait statué que l’interdiction était toujours en vigueur.
Interrogé sur la manière dont cette pratique est vue par le monde extérieur, Shafran répond, «Tous les Juifs sont une famille. Si ce fait apporte de l’eau au moulin des antisémites, c’est malheureux. Mais elle n'en reste pas moins un fait. Et les Juifs orthodoxes n'ont pas à présenter d’excuses pour ce que la Torah nous enseigne.»
Shafran situe le problème comme une affaire de conscience
“Il existe en Amérique une longue et illustre histoire de citoyens qui placent leur conscience personnelle avant la loi du pays, » écrit Shafran. « C’est en partie pourquoi les Américains célèbrent le mouvement pour les droits civiques et la désobéissance civile qui faisait partie intégrante de la vie de leurs champions. Se dédier à in idéal religieux ne mérite pas moins de respect que de se consacrer à un idéal profane [secular]. Si une personne veut renoncer à sa liberté pour servir un idéal supérieur, il devrait être respecté pour ce choix désintéressé.»
Blau, prenant comme exemple la cas Zigelman, considère que la comparaison avec les dirigeants du mouvement des droits civiques ne tient pas debout.
“Les gens du mouvement des droits civiques étaient prêts à payer le prix, à risquer d’être mis en prison, » dit-il. « Ils luttaient pour la justice ; Zigelman se bat pour protéger des criminels. »
Michael Proctor, avocat de Zigelman, a déclaré dans des documents pour le tribunal qu’incarcérer Zigelman serait injuste parce qu’il “n’abandonnera pas ses préceptes religieux” en aucune circonstance, a rapport le Los Angeles Times.
La juge de la cour de district, Margaret Morrow, a entendu les arguments sur cette affaire le 7 septembre et a dit qu’elle pendrait une décision ultérieurement.
Les tribunaux américains n'ont jamais accepté une requête en exemption de témoignage basée sur les règles de la mesira, déclare le rabbin J. David Bleich, professeur de Talmud à la Yeshiva University et professeur de droit à la faculté de droit Cardozo.
"J'ignore ce qu’il pense accomplir," déclare Bleich à propos de Zigelman. «Son avocat essaye peut être de l'empêcher de témoigner, et ça ne marchera pas.»
Bleich explique que, en tant qu’aspect du droit juif, la mesira ne peut pas s’appliquer aux affaires civiles en démocratie. Par exemple, si les présumés complices de Zeligman risquaient une amende, il serait obligé de témoigner.
Les choses sont différentes en matière criminelle explique Bleich parce qu’il y a des différences entre les décisionnaires Juifs pour savoir si l’Etat a le droit de punir physiquement, y compris par incarcération.
“En droit juif, les choses dépendent du droit qu’a l’Etat séculier de mettre des gens en prison, » dit-il.
Particulièrement dans les cas où un accusé risque un danger physique, un informateur se verra interdire de témoigner, déclare Bleich. De tels risques peuvent concerner les orthodoxes dans les prisons de très haute sécurité, quand des gangs racistes sont dominants, dit-il, mais pas
dans les prisons pour cols blancs où des condamnés pour fraude fiscale purgent leur peine.
Les Juifs orthodoxes doivent peser non seulement leurs obligations envers l’Etat mais envers la communauté dans laquelle ils vivent, affirme Broyde qui, en plus d’enseigner à Emory, est juge rabbinique au Beth-Din d’Amérique.
"C’est un équilibre entre ce qui doit être fait et la communauté à laquelle vous voulez appartenir," déclare Broyde. « C’est faire un équilibre entre être un bon membre de la communauté (insider) et un bon étranger (outsider). »
Cette équilibration n'a rien d'inhabituel, explique Broyde qui observe qu'elle se fait aussi dans d'autes communautés. Son exemple: un paroissien qui rapporterait toutes les entorses au code de la construction ferait finalement l'objet d'ostracisme et n'aurait pas, en droit, l'obligation de rapposter ces infractions.
Dans des cas où les autorités exigent le signalement d'un crime - par exemple quant des professionnels de l'enfance décèlent des preuves d'abus - il est évident qu'un Juif orthodoxe doit coopérer avec les autorités, dit-il.
"Il y a la situation où les autorités exigent de signaler [un délit], et une autre situation où les autorités ne font aucune obligation," dit-il. Quand les autorités obligent à signaler, tout le monde est d'accord pour dire qu'un Juif doit le faire."
Un crétin qui répond du nom de Philippe (un prénom typiquement sémitique comme chacun sait) écrit dans un de ses messages destinés à polluer ce blog, que les juifs orthodoxes ne sont pas majoritaires. Il a raison en ce qui concerne les Etats Unis mais pas pour l'ensemble des Juifs dans le monde. L'orthodoxie domine non seulement numériquement mais surtout politiquement et religieusement le judaïsme contemporain. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, c'est le judaïsme orthodoxe, y compris dans ses versions les plus fanatiques et racistes qui gagne du terrain. Plus de précisions avec "Qui est juif?", "Judaïsme: un monde religieux conflictuel". Pour la CICAD, le judaïsme moderne orthodoxe est la même chose que le judaïsme traditionaliste, c'est-à-dire orthodoxe.
Un crétin qui répond du nom de Philippe (un prénom typiquement sémitique comme chacun sait) écrit dans un de ses messages destinés à polluer ce blog, que les juifs orthodoxes ne sont pas majoritaires. Il a raison en ce qui concerne les Etats Unis mais pas pour l'ensemble des Juifs dans le monde. L'orthodoxie domine non seulement numériquement mais surtout politiquement et religieusement le judaïsme contemporain. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, c'est le judaïsme orthodoxe, y compris dans ses versions les plus fanatiques et racistes qui gagne du terrain. Plus de précisions avec "Qui est juif?", "Judaïsme: un monde religieux conflictuel". Pour la CICAD, le judaïsme moderne orthodoxe est la même chose que le judaïsme traditionaliste, c'est-à-dire orthodoxe.
Libellés : antisémitisme, Los Angeles, mesira, Moshe Zigelman, pilpoul, Talmud, Yosef Blau
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