L'invasion de l'Afghanistan était prévue avant le 11 septembre...
C'est ce que confirme cet article du journaliste Britannique John Pilger. Pilger est un de ces journalistes qui honorent encore une profession pourtant largement discréditée. Il a été, selon Noam Chomsky à l'origine d'un néologisme inventé par les pseudo] journalistes qui, "placés devant des faits gênants sur les conséquences de la politique étrangère américaine que met au jour Pilger, ne sont capables que de les qualifier de 'ridicules'"
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Le grand jeu de l’Amérique
Par John Pilger
New Statesman (UK) 10 Janvier 2008 Traduit de l’anglais par Djazaïri
Par John Pilger
New Statesman (UK) 10 Janvier 2008 Traduit de l’anglais par Djazaïri
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Les USA et le Royaume-Uni prétendent que la victoire sur les Talibans est un élément d’une « guerre juste » contre al Qaïda. Des preuves existent cependant que l’invasion était planifiée avant le 11 septembre.
« J’avoue que, pour moi les pays sont les pièces d’un échiquier sur lequel se joue la domination du monde. »
Lord Curzon, vice roi des Indes, s’exprimant au sujet de l’Afghanistan, 1898.
J’avais proposé à Marina de nous rencontrer dans la sécurité offerte par l’hôtel Intercontinental où les étrangers séjournent à Kaboul mais elle avait refusé. Elle y était allée auparavant et des agents du gouvernement la soupçonnant d’être membre de Rawa, l’avaient arrêtée. Nous nous sommes donc rencontrés dans un lieu sûr où nous nous sommes rendus en contournant des amas de gravats qui autrefois avaient été des rues et où les gens vivent comme des victimes d’un séisme dans l’attente des secours.
Rawa est l’Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan qui, dès 1977, avait alerté l’opinion internationale sur les souffrances des femmes et des filles dans ce pays. Il n’existe aucune organisation de ce genre ailleurs dans le monde. Elle est ce qu’il y a de mieux dans le féminisme avec les plus courageuses parmi les courageuses. Année après année, des agents de Rawa ont sillonné secrètement l’Afghanistan, enseignant dans des écoles de filles clandestines, venant en aide à des femmes isolées et brutalisées, photographiant les traces de coups dissimulées sous les burqas. Elles étaient l’ennemi implacable des Talibans à l’époque où le mot taliban était à peine connu en Occident et où l’administration Clinton courtisait secrètement les mollahs afin que la compagnie pétrolière UNOCAL obtienne l’autorisation de faire passer par l’Afghanistan un pipeline depuis la Caspienne.
De fait, l’interprétation par Rawa des desseins et de l’hypocrisie des gouvernements occidentaux nous enseigne une vérité sur un Afghanistan exclu des bulletins d’information qui se réduisent désormais au drame de simples soldats britanniques assiégés par un ennemi démoniaque dans une « guerre juste. »
Lors de notre rencontre, Marina était voilée afin de protéger son identité. Marina est son nom de guerre. Elle a dit ceci : « Nous, femmes d’Afghanistan, nous ne sommes devenues une cause à défendre pour l’Occident qu’après le 11 septembre quant les Talibans sont soudainement devenus l’ennemi officiel de l’Amérique. Certes ils persécutaient les femmes, mais ils n’étaient pas les seuls, et nous n’avons pas apprécié le silence occidental sur le caractère atroce des seigneurs de la guerre, appuyés par l’Occident, qui ne diffèrent pas des Talibans. Ils violent, kidnappent et terrorisent, et pourtant ils siègent au gouvernement de Hamid Karzai. D’une certaine manière, nous avions plus de sécurité avec les Talibans. On pouvait traverser l’Afghanistan par la route et se sentir en sécurité. Aujourd’hui, c’est à vos risques et périls. »
La raison que les USA avaient donné pour justifier l’invasion de l’Afghanistan était « la destruction de l’infrastructure d’al Qaïda ; l’organisation responsable du 11 septembre. » Les femmes de Rawa disent que c’est faux. Dans un de leurs rares communiqués, daté du 4 décembre et qui n’a pas été répercuté en Grande-Bretagne, elles déclarent : « Notre expérience nous enseigne que les USA ne veulent pas vaincre les Talibans et al Qaïda car dès lors, ils n’auraient plus de prétexte pour rester en Afghanistan et œuvrer à la réalisation de leurs objectifs économiques, politiques et stratégiques dans la région. »
La vérité au sujet de la « guerre juste » est à chercher dans les preuves indiscutables que l’invasion de 2001, largement soutenue en Occident comme réponse justifiée aux attentats du 11 septembre, était en réalité planifiée deux mois avant le 11 septembre et que le problème le plus pressant pour Washington n’était pas les liens des Talibans avec Oussama Ben Laden mais l’éventualité d’une perte de contrôle de l’Afghanistan par les mollahs Talibans au profit de factions de moudjahidin moins fiables, dirigées par des seigneurs de la guerre que la CIA avait financés et armés pour faire la guerre américaine par procuration contre l’occupant soviétique dans les années 1980. Connues sous le nom d’Alliance du Nord, ces moudjahidin sont largement une création de Washington qui pensait que la « carte djihadiste » pouvait être jouée pour faire tomber l’Union Soviétique. Les Talibans étaient un produit de cela et, pendant les années Clinton, ils furent admirés pour leur « discipline. » Ou, comme l’écrivait le Wall Street Journal, [Les Talibans] étaient les acteurs les plus aptes à ramener la paix en Afghanistan à ce moment de l’Histoire. ».
Ce « moment de l’Histoire » était un mémorandum secret d’entente que les mollahs avaient signé avec l’administration Clinton pour le contrat du pipeline. Cependant, à la fin des années 1990, l’Alliance du Nord grignotait de plus en plus le territoire contrôlé par les Talibans qui, en conséquence, furent considérés à Washington comme manquant de la « stabilité » requise de la part d’un client aussi important. La continuité d’une telle relation clientéliste était un pré requis pour le soutien américain, indépendamment de l’aversion qu’éprouvaient les Talibans pour les droits de l’Homme (questionné à ce sujet, un analyste du Département d’Etat avait prédit que les Talibans évolueraient comme les Saoudiens l’ont fait, » avec une économie pro américaine, sans démocratie et avec « beaucoup de lois issues de la sharia, » ce qui signifiait la légalisation de la persécution des femmes. Nous pouvons vivre avec ça, » disait-il.)
Vers le début 2001, convaincus que c’était la présence d’Oussama Ben Laden qui minait leurs relations avec Washington, les Talibans tentèrent de s’en débarrasser. Aux termes d’un accord négocié avec les dirigeants des deux partis islamistes pakistanais, Ben Laden devait être maintenu en résidence surveillée à Peshawar. Un tribunal religieux aurait alors dû recueillir des preuves contre lui avant de décider de le juger ou de le livrer aux Américains. Que ceci eut pu se produire ou pas, le Pakistan de Pervez Musharraf avait de toutes façons mis son veto à ce projet. Selon le ministre pakistanais des affaires étrangères de l’époque, Niaz Naik, un diplomate Américain de haut niveau lui avait dit le 21 juillet 2001 que la décision avait été prise de se débarrasser des Talibans « avec un tapis de bombes. »
Applaudie comme « première victoire » dans la « guerre contre le terrorisme, » l’attaque contre l’Afghanistan en octobre 2001 et ses effets collatéraux ont causé la mort de milliers de civils qui, encore plus que les Irakiens, demeurent invisibles aux yeux des Occidentaux. Le sort de la famille de Gulam Rasul est caractéristique. Il était 7h45 ce matin du 21 octobre. Rasul, le directeur d’une école de la ville de Khair Khana venait juste de finir le petit déjeuner avec sa famille et était sorti de chez lui pour discuter avec un voisin. Dans la maison, se trouvaient son épouse Siekhra et ses quatre fils, âgés de trois à dix ans, son frère et sa femme, sa sœur et son mari. Il regarda en l’air pour voir un avion voler dans le ciel, puis sa maison explosa en un éclair derrière lui. Neuf personnes périrent dans cette attaque d’un F16 américain larguant une bombe de 250 kilos. Le seul survivant fut son fils Ahmad Bilal, neuf ans.
« La plupart des gens tués dans cette guerre ne sont pas des Talibans ; ce sont des innocents, » m’a dit Gulam Rasul. « Le massacre de ma famille était-il une erreur ? Non, ce n’en était pas une. Ils volent dans leurs avions et nous regardent d’en haut, les simples Afghans qui n’ont pas d’avions, et ils nous bombardent pour le simple fait d’exister et avec tout leur mépris. »
Il y a eu cette noce dans le village de Niazi Qala, à 100 km au sud de Kaboul, où on fêtait le mariage du fils d’un fermier respecté. Selon tous les témoignages, c’était un événement merveilleusement bruyant, avec musique et chants. Le vrombissement d’un avion s’est fait entendre alors que tout le monde dormait, vers trois heures du matin. D’après un rapport de l’ONU, le bombardement a duré deux heures et tué 52 personnes : 17 hommes, 10 femmes et 25 enfants, la plupart réduits en charpie là où ils avaient désespérément tenté de trouver refuge, dans une mare asséchée. Un tel massacre est loin d’être un cas isolé et, ces jours ci, les victimes sont décrites comme étant des « Talibans, » ou, quand il s’agit d’enfants, on dit qu’ils sont « partiellement fautifs de se trouver sur un site utilisé par des combattants, » selon un entretien de la BBC avec un porte parole de l’armée américaine.
Le retour de l’opium
L’armée britannique a joué un rôle important dans cette violence en augmentant ses bombardements à haute altitude de plus de 30 % depuis qu’elle a pris le commandement des forces de l’OTAN en Afghanistan en mai 2006. Ce qui s’est traduit par plus de 6200 morts Afghans l’an dernier. En décembre, l’information trafiquée était la « chute » de Musa Qala, un « bastion taliban » du sud de l’Afghanistan. Les troupes du gouvernement fantoche avaient eu la permission de « libérer » les décombres laissés par les B52 américains.
Qu’est-ce qui justifie cela ? Différentes fables ont été imaginées – « construire la démocratie » est l’une d’entre elles. « La guerre contre la drogue,» est la plus perverse. Quand les Américains ont envahi l’Afghanistan en 2001, ils ont obtenu un succès retentissant. Ils ont mis un terme à une prohibition historique de la production de l’opium que le régime taliban avait réussi à imposer. Un responsable de l’ONU à Kaboul avait qualifié cette prohibition de « miracle moderne. » Il fut rapidement mis fin au miracle. En récompense au soutien apporté à la « démocratie » de Karzai, les Américains ont permis aux seigneurs de la guerre de l’Alliance du Nord de reprendre intégralement la culture de l’opium en 2002. 28 des 32 provinces furent immédiatement mises en culture. Actuellement, 90 % du commerce de l’opium prend source en Afghanistan. En 2005, un rapport du gouvernement britannique a estimé que 35000 adolescents consommaient de l’héroïne au Royaume-Uni.
Tony Blair avait tenu une fois ces propos mémorables : « Au peuple Afghan, nous prenons cet engagement. Nous ne partirons pas… [Nous vous offrirons les moyens de] sortir de la pauvreté qui fait votre misérable existence. » Je pensais à ces mots en voyant des enfants jouer dans un cinéma démoli. Ils étaient illettrés et ne pouvaient donc lire la pancarte avertissant que des bombes à fragmentation non explosées pouvaient se trouver dans les gravats.
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« Après trois ans d’engagement, » rapportait James Ferguson dans The Independent du 16 décembre, « le ministère britannique pour le développement international a dépensé exactement 390 millions de livres sterling pour des projets afghans. » Fait peu habituel, Ferguson a eu des rencontres avec des Talibans qui combattent les Britanniques. « Ils ont été charmants et courtois tout le temps, » écrivait-il au sujet d’une rencontre en février. « C’est la beauté de la malmastia, la tradition pachtoune d’hospitalité envers les étrangers. Dès lors qu’il vient sans armes, même un ennemi mortel peut être certain d’un accueil courtois. La chance de dialogue que permet la malmastia est unique. »
Cette «chance de dialogue » est aux antipodes des offres de reddition ou autres faites par le gouvernement de Gordon Brown. Ce que Brown er ses conseillers du Foreign Office n’arrivent volontairement pas à comprendre est que la victoire tactique obtenue à coup de bombes en Afghanistan en 2001 est devenue un désastre stratégique en Asie du sud.
Exacerbée par l’assassinat de Benazir Bhutto, l’agitation actuelle au Pakistan s’enracine dans une guerre aux motifs fallacieux dans l’Afghanistan voisin et qui a entrainé l’hostilité des Pachtouns qui vivent dans la plus grande partie de la zone frontalière entre les deux pays. Il en va de même des la plupart des Pakistanais qui, selon les sondages, veulent que leur gouvernement négocie une paix régionale plutôt que de jouer un rôle prescrit dans une répétition du Grand jeu de lord Curzon.
www.johnpilger.com
Les USA et le Royaume-Uni prétendent que la victoire sur les Talibans est un élément d’une « guerre juste » contre al Qaïda. Des preuves existent cependant que l’invasion était planifiée avant le 11 septembre.
« J’avoue que, pour moi les pays sont les pièces d’un échiquier sur lequel se joue la domination du monde. »
Lord Curzon, vice roi des Indes, s’exprimant au sujet de l’Afghanistan, 1898.
J’avais proposé à Marina de nous rencontrer dans la sécurité offerte par l’hôtel Intercontinental où les étrangers séjournent à Kaboul mais elle avait refusé. Elle y était allée auparavant et des agents du gouvernement la soupçonnant d’être membre de Rawa, l’avaient arrêtée. Nous nous sommes donc rencontrés dans un lieu sûr où nous nous sommes rendus en contournant des amas de gravats qui autrefois avaient été des rues et où les gens vivent comme des victimes d’un séisme dans l’attente des secours.
Rawa est l’Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan qui, dès 1977, avait alerté l’opinion internationale sur les souffrances des femmes et des filles dans ce pays. Il n’existe aucune organisation de ce genre ailleurs dans le monde. Elle est ce qu’il y a de mieux dans le féminisme avec les plus courageuses parmi les courageuses. Année après année, des agents de Rawa ont sillonné secrètement l’Afghanistan, enseignant dans des écoles de filles clandestines, venant en aide à des femmes isolées et brutalisées, photographiant les traces de coups dissimulées sous les burqas. Elles étaient l’ennemi implacable des Talibans à l’époque où le mot taliban était à peine connu en Occident et où l’administration Clinton courtisait secrètement les mollahs afin que la compagnie pétrolière UNOCAL obtienne l’autorisation de faire passer par l’Afghanistan un pipeline depuis la Caspienne.
De fait, l’interprétation par Rawa des desseins et de l’hypocrisie des gouvernements occidentaux nous enseigne une vérité sur un Afghanistan exclu des bulletins d’information qui se réduisent désormais au drame de simples soldats britanniques assiégés par un ennemi démoniaque dans une « guerre juste. »
Lors de notre rencontre, Marina était voilée afin de protéger son identité. Marina est son nom de guerre. Elle a dit ceci : « Nous, femmes d’Afghanistan, nous ne sommes devenues une cause à défendre pour l’Occident qu’après le 11 septembre quant les Talibans sont soudainement devenus l’ennemi officiel de l’Amérique. Certes ils persécutaient les femmes, mais ils n’étaient pas les seuls, et nous n’avons pas apprécié le silence occidental sur le caractère atroce des seigneurs de la guerre, appuyés par l’Occident, qui ne diffèrent pas des Talibans. Ils violent, kidnappent et terrorisent, et pourtant ils siègent au gouvernement de Hamid Karzai. D’une certaine manière, nous avions plus de sécurité avec les Talibans. On pouvait traverser l’Afghanistan par la route et se sentir en sécurité. Aujourd’hui, c’est à vos risques et périls. »
La raison que les USA avaient donné pour justifier l’invasion de l’Afghanistan était « la destruction de l’infrastructure d’al Qaïda ; l’organisation responsable du 11 septembre. » Les femmes de Rawa disent que c’est faux. Dans un de leurs rares communiqués, daté du 4 décembre et qui n’a pas été répercuté en Grande-Bretagne, elles déclarent : « Notre expérience nous enseigne que les USA ne veulent pas vaincre les Talibans et al Qaïda car dès lors, ils n’auraient plus de prétexte pour rester en Afghanistan et œuvrer à la réalisation de leurs objectifs économiques, politiques et stratégiques dans la région. »
La vérité au sujet de la « guerre juste » est à chercher dans les preuves indiscutables que l’invasion de 2001, largement soutenue en Occident comme réponse justifiée aux attentats du 11 septembre, était en réalité planifiée deux mois avant le 11 septembre et que le problème le plus pressant pour Washington n’était pas les liens des Talibans avec Oussama Ben Laden mais l’éventualité d’une perte de contrôle de l’Afghanistan par les mollahs Talibans au profit de factions de moudjahidin moins fiables, dirigées par des seigneurs de la guerre que la CIA avait financés et armés pour faire la guerre américaine par procuration contre l’occupant soviétique dans les années 1980. Connues sous le nom d’Alliance du Nord, ces moudjahidin sont largement une création de Washington qui pensait que la « carte djihadiste » pouvait être jouée pour faire tomber l’Union Soviétique. Les Talibans étaient un produit de cela et, pendant les années Clinton, ils furent admirés pour leur « discipline. » Ou, comme l’écrivait le Wall Street Journal, [Les Talibans] étaient les acteurs les plus aptes à ramener la paix en Afghanistan à ce moment de l’Histoire. ».
Ce « moment de l’Histoire » était un mémorandum secret d’entente que les mollahs avaient signé avec l’administration Clinton pour le contrat du pipeline. Cependant, à la fin des années 1990, l’Alliance du Nord grignotait de plus en plus le territoire contrôlé par les Talibans qui, en conséquence, furent considérés à Washington comme manquant de la « stabilité » requise de la part d’un client aussi important. La continuité d’une telle relation clientéliste était un pré requis pour le soutien américain, indépendamment de l’aversion qu’éprouvaient les Talibans pour les droits de l’Homme (questionné à ce sujet, un analyste du Département d’Etat avait prédit que les Talibans évolueraient comme les Saoudiens l’ont fait, » avec une économie pro américaine, sans démocratie et avec « beaucoup de lois issues de la sharia, » ce qui signifiait la légalisation de la persécution des femmes. Nous pouvons vivre avec ça, » disait-il.)
Vers le début 2001, convaincus que c’était la présence d’Oussama Ben Laden qui minait leurs relations avec Washington, les Talibans tentèrent de s’en débarrasser. Aux termes d’un accord négocié avec les dirigeants des deux partis islamistes pakistanais, Ben Laden devait être maintenu en résidence surveillée à Peshawar. Un tribunal religieux aurait alors dû recueillir des preuves contre lui avant de décider de le juger ou de le livrer aux Américains. Que ceci eut pu se produire ou pas, le Pakistan de Pervez Musharraf avait de toutes façons mis son veto à ce projet. Selon le ministre pakistanais des affaires étrangères de l’époque, Niaz Naik, un diplomate Américain de haut niveau lui avait dit le 21 juillet 2001 que la décision avait été prise de se débarrasser des Talibans « avec un tapis de bombes. »
Applaudie comme « première victoire » dans la « guerre contre le terrorisme, » l’attaque contre l’Afghanistan en octobre 2001 et ses effets collatéraux ont causé la mort de milliers de civils qui, encore plus que les Irakiens, demeurent invisibles aux yeux des Occidentaux. Le sort de la famille de Gulam Rasul est caractéristique. Il était 7h45 ce matin du 21 octobre. Rasul, le directeur d’une école de la ville de Khair Khana venait juste de finir le petit déjeuner avec sa famille et était sorti de chez lui pour discuter avec un voisin. Dans la maison, se trouvaient son épouse Siekhra et ses quatre fils, âgés de trois à dix ans, son frère et sa femme, sa sœur et son mari. Il regarda en l’air pour voir un avion voler dans le ciel, puis sa maison explosa en un éclair derrière lui. Neuf personnes périrent dans cette attaque d’un F16 américain larguant une bombe de 250 kilos. Le seul survivant fut son fils Ahmad Bilal, neuf ans.
« La plupart des gens tués dans cette guerre ne sont pas des Talibans ; ce sont des innocents, » m’a dit Gulam Rasul. « Le massacre de ma famille était-il une erreur ? Non, ce n’en était pas une. Ils volent dans leurs avions et nous regardent d’en haut, les simples Afghans qui n’ont pas d’avions, et ils nous bombardent pour le simple fait d’exister et avec tout leur mépris. »
Il y a eu cette noce dans le village de Niazi Qala, à 100 km au sud de Kaboul, où on fêtait le mariage du fils d’un fermier respecté. Selon tous les témoignages, c’était un événement merveilleusement bruyant, avec musique et chants. Le vrombissement d’un avion s’est fait entendre alors que tout le monde dormait, vers trois heures du matin. D’après un rapport de l’ONU, le bombardement a duré deux heures et tué 52 personnes : 17 hommes, 10 femmes et 25 enfants, la plupart réduits en charpie là où ils avaient désespérément tenté de trouver refuge, dans une mare asséchée. Un tel massacre est loin d’être un cas isolé et, ces jours ci, les victimes sont décrites comme étant des « Talibans, » ou, quand il s’agit d’enfants, on dit qu’ils sont « partiellement fautifs de se trouver sur un site utilisé par des combattants, » selon un entretien de la BBC avec un porte parole de l’armée américaine.
Le retour de l’opium
L’armée britannique a joué un rôle important dans cette violence en augmentant ses bombardements à haute altitude de plus de 30 % depuis qu’elle a pris le commandement des forces de l’OTAN en Afghanistan en mai 2006. Ce qui s’est traduit par plus de 6200 morts Afghans l’an dernier. En décembre, l’information trafiquée était la « chute » de Musa Qala, un « bastion taliban » du sud de l’Afghanistan. Les troupes du gouvernement fantoche avaient eu la permission de « libérer » les décombres laissés par les B52 américains.
Qu’est-ce qui justifie cela ? Différentes fables ont été imaginées – « construire la démocratie » est l’une d’entre elles. « La guerre contre la drogue,» est la plus perverse. Quand les Américains ont envahi l’Afghanistan en 2001, ils ont obtenu un succès retentissant. Ils ont mis un terme à une prohibition historique de la production de l’opium que le régime taliban avait réussi à imposer. Un responsable de l’ONU à Kaboul avait qualifié cette prohibition de « miracle moderne. » Il fut rapidement mis fin au miracle. En récompense au soutien apporté à la « démocratie » de Karzai, les Américains ont permis aux seigneurs de la guerre de l’Alliance du Nord de reprendre intégralement la culture de l’opium en 2002. 28 des 32 provinces furent immédiatement mises en culture. Actuellement, 90 % du commerce de l’opium prend source en Afghanistan. En 2005, un rapport du gouvernement britannique a estimé que 35000 adolescents consommaient de l’héroïne au Royaume-Uni.
Tony Blair avait tenu une fois ces propos mémorables : « Au peuple Afghan, nous prenons cet engagement. Nous ne partirons pas… [Nous vous offrirons les moyens de] sortir de la pauvreté qui fait votre misérable existence. » Je pensais à ces mots en voyant des enfants jouer dans un cinéma démoli. Ils étaient illettrés et ne pouvaient donc lire la pancarte avertissant que des bombes à fragmentation non explosées pouvaient se trouver dans les gravats.
"
« Après trois ans d’engagement, » rapportait James Ferguson dans The Independent du 16 décembre, « le ministère britannique pour le développement international a dépensé exactement 390 millions de livres sterling pour des projets afghans. » Fait peu habituel, Ferguson a eu des rencontres avec des Talibans qui combattent les Britanniques. « Ils ont été charmants et courtois tout le temps, » écrivait-il au sujet d’une rencontre en février. « C’est la beauté de la malmastia, la tradition pachtoune d’hospitalité envers les étrangers. Dès lors qu’il vient sans armes, même un ennemi mortel peut être certain d’un accueil courtois. La chance de dialogue que permet la malmastia est unique. »
Cette «chance de dialogue » est aux antipodes des offres de reddition ou autres faites par le gouvernement de Gordon Brown. Ce que Brown er ses conseillers du Foreign Office n’arrivent volontairement pas à comprendre est que la victoire tactique obtenue à coup de bombes en Afghanistan en 2001 est devenue un désastre stratégique en Asie du sud.
Exacerbée par l’assassinat de Benazir Bhutto, l’agitation actuelle au Pakistan s’enracine dans une guerre aux motifs fallacieux dans l’Afghanistan voisin et qui a entrainé l’hostilité des Pachtouns qui vivent dans la plus grande partie de la zone frontalière entre les deux pays. Il en va de même des la plupart des Pakistanais qui, selon les sondages, veulent que leur gouvernement négocie une paix régionale plutôt que de jouer un rôle prescrit dans une répétition du Grand jeu de lord Curzon.
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