mardi, janvier 15, 2008

Bookmark and Share

Le sionisme : un nationalisme colonial en voie de privatisation?

Neve Gordon et Erez Tzfadia sont des universitaires qui vivent et enseignent dans l'entité sioniste. L'article qu'ils ont publié dans le National Catholic Reporter parle de l'expropriation des Bédouins, ces palestiniens qui vivent dans le Néguev [Naqab], cette partie désertique de la Palestine qui est la cible d'une importante opération d'épuration ethnique, ce que les sionistes appellent "judaïsation."
Leur texte expose un aspect intéressant de l'évolution ce l'entité sioniste et qu'ils décrivent comme la privatisation dus sionisme : organisation de milices de colons sous la houlette de l'armée sioniste mais surtout sous traitance des check points à des sociétés de mercenariat, et organisation de la colonisation et de l'expulsion des indigènes de palestine par des promoteurs immobiliers privés.
En les lisant, je me demandais ce qu'il trouvait le plus gênant ou dérangeant : qu'on expulse des gens et qu'on rase leurs maisons ou que ce sale boulot soit effectué par des entreprises privées.
Personnellement je penche pour la deuxième éventualité. Gordon et Tzfadia sont des sionistes qui se préoccupent de morale [ce qui est à leur honneur] mais leurs travaux de recherche ne leur ont pas permis de se rendre compte que morale et sionisme sont deux termes antinomiques.
Par contre, l'exemple qu'ils prennent de la société Blackwater semble montrer qu'ils commencent à prendre conscience que la société sioniste évolue au diapason de sa métropole américaine et de son autre satellite, le britannique, dans le sens de la dévolution partielle à des sociétés privées de missions assurées par l'Etat depuis l'avènement de l'Etat nation : police et défense. Et cette évolution, contrairement à ce qu'ils écrivent, n'a rien de tactique, elle est simplement dans la logique du système de relations internationales et d'assistanat économique (aux frais des contribuables Américains et Allemands] qui permet à l'entité sioniste de subsister.
Un peu de réflexion pourrait donc aider nos auteurs à resituer le sens du sionisme dans le contexte de l'histoire des deux empires qui ont successivement dominé la région du proche-orient depuis le première guerre mondiale.
Au passage, notons que les profits considérables obtenus par les promoteurs immobiliers autorisés légalement à spolier les Palestiniens sont réinvestis par ces mêmes promoteurs dans des opérations immobilières en Europe, aux USA et ailleurs.
q
La privatisation du sionisme
Israël recourt à des entreprises privées pour détruire des maisons et accaparer des terres
par NEVE GORDON et EREZ TZFADIA
National Catholic Reporter (USA), 11 Janvier 2008, traduit de l’anglais par Djazaïri

Pour moins de 4$ par jour, des adolescents Juifs ont sorti des maisons le mobilier, les vêtements, les ustensiles de cuisine et les jouets avant de les charger sur des camions. Alors qu’ils travaillaient vite au milieu de nombreux policiers présents pour s’assurer de la destruction de trente maisons dans deux villages bédouins non reconnus, des adolescents Bédouins étaient présents pour voir leurs maisons vidées de leur contenu.
Après l’évacuation de tous les biens, les bulldozers rasèrent les maisons. Toutes les personnes présentes, Juifs comme Bédouins, étaient des citoyens israéliens ; ensemble ils ont appris une importante leçon sur la profondeur de la discrimination qui caractérise la vie civique dans l’Etat juif.
s
Les démolitions en cours s’inscrivent dans une stratégie qui a débuté avec la fondation de l’Etat d’Israël. Son objectif ultime est la judaïsation de l’espace. Dans ce cas précis, les démolitions avaient été faites pour faire place à deux nouveaux villages juifs. Cependant, leur création fait partie d’un plan plus important qui comprend la création d’environ trente nouvelles colonies juives dans le Néguev israélien, la saisie des terres des bédouins à des fins militaires et la création de dizaines de fermes isolées sur une terre qui est habitée par les Bédouins depuis leur transfert dans la région par le gouvernement israélien au début des années cinquante.
Après avoir assisté aux démolitions, un militant Bédouin a demandé à un des adolescents Juifs pourquoi il avait accepté de participer à cette éviction. Sans hésiter, l’adolescent a répondu : « Je suis un sioniste et ce que nous faisons aujourd’hui est du sionisme. »
L’adolescent n’avait pas tort. Et il était encore sans doute trop jeune pour admettre que même si les buts fondamentaux du sionisme n’ont pas changé, les méthodes déployées pour les atteindre ont subi une transformation radicale. Alors que traditionnellement, d’est l’Etat lui-même qui se chargeant de la tâche de judaïser la terre, avec les années le gouvernement a externalisé de plus en plus ses responsabilités au profit d’entreprises privées. L’adolescent lui-même avait été embauché par une société de services chargée par l’Etat de faire le travail d’expulsion des Bédouins de leurs domiciles.
s
Le processus de privatisation du sionisme a été lent. Pendant plus de cinquante ans, l’Etat avait été le seul agent responsable de la planification de nouveaux villages ou villes et seuls les travaux de construction étaient assurés par des sociétés privées. Aujourd’hui, les terrains dont les Bédouins sont expulsés sont vendus à des prix imbattables à des magnats de l’immobilier qui se voient alors confier non seulement la construction de nouveaux centres urbains juifs mais aussi leur planification. Les entreprises privées parviennent à engranger des profits jamais atteints auparavant car la différence de prix entre l’occupation de sols « non planifiée » et l’occupation de sols « planifiée » est énorme.
s
Les sociétés de recrutement et les entreprises ne sont pas cependant les seuls héros de la croisade pour privatiser le sionisme. A cinq minutes en voiture des deux villages bédouins non reconnus dont les maisons ont été démolies se trouvent de nombreuses fermes juives isolées installées ces toutes dernières années. L’Etat donne à ces fermiers Juifs de grandes parcelles de terrain, leur offre des infrastructures de base comme l’eau et l’électricité et, en retour, attend d’eux de jouer leur rôle dans un système qui vise à contenir et à limiter la mobilité des bédouins et leur développement, et à aider les forces de sécurité à garder l’œil sur la population indigène du Néguev.
Si on roule quelques kilomètres plus loin pour traverser la ligne Verte et entrer dans les Territoires occupés, on peut se rendre compte que les check points militaires sont aussi en cours de privatisation. L’année dernière, au moins cinq check points ont été attribués à des sous traitants et fonctionnent actuellement avec des mercenaires [corporate warriors]. La différence entre l’armée israélienne et les mercenaires est que ces derniers agissent dans les zones d’incertitude de la loi. Ils sont le Blackwater israélien. Ainsi, comme la tendance à la privatisation se poursuit, les check points de Cisjordanie, qui sont déjà tristement connus dans leur gestion par l’armée israélienne, deviendront certainement des lieux encore plus infernaux pour les Palestiniens qui essayent de les franchir.
Ce qui se passe pour les check points n’est qu’un développement récent d’un processus en cours depuis plusieurs années maintenant dans les Territoires Occupés. Déjà, dans les années 1980, le gouvernement israélien avait autorisé des sociétés privées à s’approprier des terrains dans les Territoires Occupés et à les vendre avec de gros bénéfices tandis que l’armée avait créé des milices de colons pour l’aider surveiller les habitants palestiniens. Ces milices civiles se sont même vues attribuer des véhicules de transports, des armes et des matériels de télécommunication de l’armée et il leur a été demandé de patrouiller aux alentours de leurs colonies, ce qui signifie souvent, en pratique, surveiller les villages palestiniens proches.
s
La privatisation du sionisme ne symbolise pas un changement stratégique mais plutôt tactique. L’Etat s’est délesté de certaines de ses responsabilités tandis que des entités privées ont pris en charge des tâches qui étaient récemment encore assumées par le gouvernement. La différence majeure est que les sociétés privées sont encore mois assujetties à responsabilités que l’Etat. Il en découle que le recours à des adolescents pour expulser des bédouins de leurs maisons ne reflète pas seulement ce processus insidieux de privatisation mais aussi l’inexorable érosion de la responsabilité morale.
s
Neve Gordon enseigne la science politique à la Ben-Gurion University. Son livre Israel’s Occupation sera publié en 2008 par University of California Press. Erez Tzfadia enseigne les politiques publiques au Sapir College en Israel.

posted by Djazaïri at 9:54 PM

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

On serait en droit de se demander , si,ce que les juifs appellent judaisation ,n'est tout simplement pas un acte historiquement legitime.Car,comment aurait on pu qualifier l'islamisation du nord de l'afrique qu'a effectué l'empire musulman entre le 4ème et le 15ème siècle? ou la christianisation de l'europe de l'ouest lors de la reconquista? Même si on est en droit de se le demander,la reponse est bien sûr que c'est inacceptable.Car depuis l'empire musulman,ou l'expansion de la chretienté,l'etre humain a adopté les droits de l'homme comme verité universelle.La conscience toute recente que nous faisons partie d'une même communauté mondiale est un concept largement accepté,et conforté par les moyens de communication dont nous disposons .Plus tard,les nations se sont unies pour declarer qu'aucun pays n'a le droit de s'octroyer des terre par un moyen militaire.C'est le droit international.Aujourdh'ui les peuples ne veulent pas que leurs gouvernements spolient les terres d'autrui en leur nom.parfois
leur gouvernement leur ment pour que cela se fasse.En israel,par contre,c'est le peuple qui pousse a
la conquête,et c'est là une difference fondamentale.

15 janvier 2008 à 23:40  
Anonymous Anonyme said...

retour en arrière : Qu'est ce qui pousse le sioniste vivant en France,par exemple,à quitter son pays
et aller vivre en Israel,et s'emparer
de maniere criminelle de la terre d'autrui? deux raisons : 1/Les juifs ne se sentent pas chez eux nulle part au monde.Leur vie en communauté fermée est d'ailleurs une expression de ce sentiment.2/Ils croient qu'ils n'ont pas le statut qu'ils sont en droit d'avoir parmi les hommes.
L'ironie de cette situation,c'est qu'après tout ces efforts ridicule.Ils ne sont toujours pas chez eux en Israel,et ils continuent a souffrir de l'antisémitisme ,alors même qu'ils sont entourés de sémites de toute parts.A n'en pas douter,Dieu a un sens de l'humour decapant.

15 janvier 2008 à 23:51  
Blogger Djazaïri said...

L'islamisation a pris plusieurs formes. Tantôt elle a a accompagn&é les conquêtes effectuées par les Arabes, tantôt elle s'est faite sans conquête (cas de l'indonésie par exemple). Par ailleurs les Arabes n'ont jamais prétendu se substituer aux peuples qu'ils ont intégré dans le califat.
Sur la légitimité "historique" de la judaîsation j'espère y venir prochainement.
Pourquoi les juifs Français émigrent-ils dans l'entité sioniste? Je n'ai pas les chiffres, mais le flux n'est pas très important. Il faut aussi comprendre que les juifs plus que les autres sont soumis au discours sur l'antisémitisme qui serait omniprésent en France et on comprend bien que ça puisse fonctionner. Certains vont même jusqu'à inventer des actes antisémites (affaire du RER D, rabbin Farhi...).
J'ai rédigé plusieurs posts sur l'antisémitisme qui sévit dans l'entité sioniste. C'est un phénomène normal dans une société structurée selon un schéma raciste.

16 janvier 2008 à 00:00  

Enregistrer un commentaire

<< Home

Palestine Blogs - The Gazette