A propos d'une milice des Frères Musulmans, qui paye quoi en Syrie?
Le paysage
politico-militaire n’en finit pas d’évoluer en Syrie dans le sens d’une plus
grande fragmentation et d’une plus grande place pour les salafistes de tout
poil.
Voilà
maintenant que les Frères Musulmans ont décidé de jouer leur propre carte en
dehors du Conseil National Syrien.
Personnellement
j’ai du mal à m’y retrouver entre ceux qui sont soutenus par le Qatar, ceux qui
émargent auprès de l’Arabie Saoudite et ceux qui bossent plus directement pour
les Etats Unis.
Pour ce
que je peux en comprendre, l’Armée Syrienne Libre se serait éloignée du Conseil
national Syrien pour s’adosser à une autre instance politique, le Syrian
Support Group (SSG).
J’ai
parlé récemment de
ce SSG qui n’est rien d’autre qu’une officine mise en place par le
gouvernement des Etats Unis pour faire transiter armes et argent destinés à l’Armée
Syrienne Libre.
L’article
observe que l’ASL bénéficie également du soutien de la monarchie (démocratique)
saoudienne.
Quant
au Conseil national Syrien, il serait à la solde du Qatar.
Et les
Frères Musulmans alors ?
Mystère
et boule de gomme. Seraient-ils donc la seule faction indépendante ?
Ce
serait étonnant et on y verra certainement plus clair d’ici quelques temps.
A part
ça, j’ai envie de demander à M. Amr al-Azm, cité à la fin de l’article, si les
Syriens de confession chrétienne peuvent être sujets au procédé qu’il cite pour
obtenir des armes de l’Arabie saoudite ou du Qatar ?
Les Frères Musulmans ont créé leur propre
milice en Syrie où existe une ligne de fracture chez les rebelles entre les
islamistes radicaux et leurs rivaux, ont déclaré au Daily Telegraph des chefs
militaires et des trafiquants d’armes.
par Ruth Sherlock, Richard Spencer, The Daily
Telegraph (UK) 3 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
Se présentant comme les « Hommes en
Armes des Frères Musulmans,» la milice a une présence à Damas ainsi que dans
d’autres points chauds de l’opposition comme Idlib et Homs. Un de ses
organisateurs, qui se fait appeler Abou Hamza, explique qu’il avait lancé ce
mouvement en association avec un membre du Conseil National Syrien (CNS),
l’alliance de l’opposition.
«Nous avions constaté qu’il y avait des
civils en armes à l’intérieur [des villes], alors nous avons décidé de coopérer
avec eux et de les mettre dans une structure unique,» dit-il.
Hossam Abou Habel, dont feu le père était
membre des Frères Musulmans de Syrie dans les années 1950, explique avoir
collecté entre 40 et 50 000 dollars en un mois pour approvisionner les
milices islamistes de la province de Homs en armes et autres formes d’aide.
Les milices qu’il a financées n’étaient pas
affiliées à l’Armée Syrienne Libre (ASL), le principal mouvement rebelle,
ajoute M. Abou Habel.
«Notre mission est de construire un pays
civil [sic] mais avec une base islamique,» dit-il. «Nous essayons de
sensibiliser les gens à l’islam et au djihad.»
La branche syrienne des Frères Musulmans a
été revivifiée par le succès de l’organisation en Egypte où elle a remporté les
élections parlementaires et présidentielles.
Dans les premiers jours du soulèvement contre
le président Bachar al-Assad, les rebelles laïques comme islamistes étaient
tous disposés à combattre sous la bannière de l’ASL et à reconnaître le CNS
comme direction politique.
Mais l’ASL, dominée par des déserteurs de
l’armée du régime s'est brouillée avec le CNS dont les dirigeants sont des
exilés. L’ASL a désormais sa propre vitrine politique, le Syrian Support Group
(SSG). Cette scission a divisé les principaux soutiens étrangers de la
révolution, avec l’Arabie Saoudite qui soutient l’ASL et le Qatar qui se
rapproche du CNS et des milices islamistes.
Ces divisions affectent les opérations sur le
terrain : les milices concurrentes coopèrent quand c’est nécessaire mais
sinon se désavouent mutuellement. «Je le prendrais comme un insulte si on me
présentait comme membre de l’ASL, » déclare Abou Bakri qui commande en
première ligne une milice islamiste à Alep baptisée le bataillon Abou Emara.
Un activiste nous explique comment son travail
avec des politiciens sunnites au Liban pour acheter des armes pour l’ASL avec
de l’argent saoudien.
Un membre du centre de commandement de l’ASL,
établi dans la Turquie voisine, a déclaré au Daily Telegraph qu’ils ont reçu
cette semaine d’importants lots de munitions, de mitrailleuses et de missiles
anti-tanks. A un moment donné, quand l’Arabie Saoudite et le Qatar joignaient
leurs efforts pour financer l’ASL, le centre de commandement recevait jusqu’à 3
millions de dollars en liquide chaque mois. Mais ce membre de l’ASL dit que la
situation a changé.
«Maintenant, nous ne travaillons plus avec les
Qataris parce qu’ils ont fait beaucoup d’erreurs en soutenant d’autres
organisations.»
Mais la fragmentation de l’opposition armée
laisse supposer que la Syrie post-Assad deviendrait un champ de bataille. «Ceci
ajoute à la fragmentation et affaiblit la crédibilité de l’opposition,» affirme
Louay Sakka, directeur exécutif du SSG. «Les soutiens devraient passer par le
canal adéquat qu’est le conseil militaire de l’Armée Syrienne Libre plutôt que
de créer leurs propres milices.»
Amr al-Azm, un universitaire Syro-américain
qui a participé brièvement au CNS considère que la Syrie court le même risque
de désintégration que celle qui a été mise en marche par la chute de Saddam
Hussein dans l’Irak voisin. La décision occidentale de limiter son implication
dans le conflit syrien – et de s’abstenir de fournir des armes létales – a
laissé un vide que les islamistes ont comblé.
«En
jouant sur vos propres peurs, vous avez fait qu’elles deviennent réalité,»
explique M. Azm. «En n’intervenant pas, vous obligez les gens à aller vers ceux
qui ont des ressources. Personne ne veut aller vers al Qaïda, mais si vous en
êtes réduit à vos dernières cartouches et que quelqu’un vous demande de dire
«Allahou Akbar’ (Dieu est le plus grand) cinq fous, vous le faites.»
Libellés : Arabie Saoudite, Armée Syrienne Libre, Bachar al-Assad, Conseil National Syrien, Qatar, Syrian Support Group, Syrie, Turquie
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