Qui sortira gagnant d'une chute du régime syrien?
Quand on s’intéresse à ce qui se passe en Syrie, on aimerait parfois lire dans le marc de café pour avoir une idée plus claire de ce qui va se passer : putsch, guerre civile, révolution, intervention militaire étrangère ?
Où on peut faire comme Nihat Ali Ozcan dans le journal turc Hurriyet et partir du postulat que la chute du régime syrien n’est qu’une question de temps mais que c’est un fait dores et déjà acquis
Et à partir de là, développer une analyse stratégique qui inclut l’ensemble des acteurs de la région, dont l’Iran, le Liban, les Etats Unis (avec l’OTAN) et l’entité sioniste.
Et en déduire la physionomie de la région après la disparition du régime baathiste. Il faudrait certes plus qu’une lecture dans le marc de café pour savoir si ce qui succèdera à l’actuel régime syrien sera plus démocratique et/ou plus égalitariste. Il est par contre beaucoup plus simple de comprendre qui sortira gagnant de l’actuel imbroglio politico-militaire dans lequel est plongé en ce moment la Turquie qui, après quelques hésitations, y a sauté à pieds joints.
Pour Nihat Ali Ozcan, le grand gagnant de cette affaire ne sera pas la Turquie, mais l’Etat sioniste. Parce que pour ce journaliste turc, en dépit de prises de position apparemment hostiles aux autorités de Tel Aviv, le gouvernement tuc s’est rangé dorénavant résolument dans le camp de l’entité sioniste qui va pouvoir essayer de neutraliser ses deux ennemis que sont le Hamas et le Hezbollah et acquérir cette profondeur stratégique qui lui fait tant défaut.
Cette profondeur étant représentée par le territoire syrien...
Je pensais personnellement que l’entité sioniste préférait l’actuel régime syrien à l’incertitude dangereuse que pourrait constituer un nouveau pouvoir à Damas. C’était sans doute vrai au départ, mais les choses ont changé et ce changement est dû à l’évolution de la position de la Turquie qui s’est repositionnée du côté de Tel Aviv.
Et ce repositionnement s’explique par un choix opéré par Ankara parmi ses différents intérêts contradictoires. Le choix d’Ankara a été de jouer la carte de mandataire de l’OTAN dans les troubles actuels en Syrie et donc du renforcement de son rôle dans l’alliance (ce qui ne signifie pas que la Turquie est disposée à intervenir militairement en Syrie). Avec l’agitation politique au Proche orient et les bruits de botte contre l’Iran, la Turquie qui a accepté d’accueillir le bouclier antimissiles de l’OTAN se positionne de fait comme le fer de lance d’une éventuelle attaque contre le régime de Téhéran.
Ces choix ont été correctement interprétés par Téhéran. Naïveté ou duplicité, le gouvernement turc ne semble pas comprendre pourquoi les autorités iraniennes considèrent désormais que les installations de l’OTAN en Turquie sont désormais des cibles potentielles pour leurs forces armées.
Je penche personnellement pour la naïveté. Parce que le gouvernement Erdogan, quand il a accepté l’installation du bouclier anti-missile de l’OTAN et de jouer le redresseur de torts en Syrie n’a vu que les avantages qu’il pouvait en retirer : la réaffirmation et le renforcement du lien stratégique avec les USA dans lequel le statut de la Turquie est rehaussé et de nouvelles perspectives d’admission dans l’Union Européenne. Peu importe si cette dernière n’est sans doute qu’un leurre de plus, certains veulent encore y croire en Turquie (je me demande sur quelle planète ils vivent !)..
En attendant la Turquie, si elle est en partie européenne est quand même ancrée de plus en plus solidement en Asie. Et il semble bien que, si je comprends bien Nihat Ali Ozcan, que quand l’entité sioniste gagne, la Turquie perde (où du moins ne gagne pas à la hauteur de sa mise).
Il semble bien que la Turquie a finalement choisi de continuer à supporter son fardeau sioniste.
Par Nihat Ali Ozcan, Hurriyet (Turquie) 1er décembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri
Nous assistons à des changements à multiples facettes déclenchés par le printemps arabe. Des modifications d’équilibres et des structures étatiques affaiblies créent des risques pour certains et des opportunités pour d’autres. Nous nous intéressons surtout aux pays et aux situations séparément, mais pris dans leur ensemble, nous devons admettre que les évènements ont la capacité de produire des résultats beaucoup plus compliqués qu’à première vue.
Même si elles ne semblent pas concernées aujourd’hui, les relations turco-israéliennes reviennent sur le devant de la scène à un certain moment en tant que « question de diplomatie publique » plutôt qu’en termes de réalité politique parce que, à la lumière de l’évolution de la situation régionale, il ; y a des tendances significatives du cours des relations entre les deux pays qui ne correspondent pas aux déclarations officielles. J’aimerais attirer l’attention sur la manière dont le changement de nature des relations entre la Turquie et l’Iran d’une part, entre la Turquie et la Syrie d’autre part, sert les intérêts d’Israël.
De fait les développements dans la région créent de nouvelles opportunités.
La Turquie a mené une politique de plus en plus agressive vis-à-vis de la Syrie. Le gouvernement turc soutient un changement de régime en Syrie. A cette fin, il soutient aussi la montée en puissance de la coalition anti-syrienne naissante. A moins d’un miracle, le régime sera abattu au terme d’un délai plus ou moins long. La nouvelle ère qui s’ouvrira sera sans doute plus favorable aux intérêts israéliens qu’à ceux de la Turquie. Je vais expliquer pourquoi.
En Syrie, le changement de régime comme la consolidation de ce nouveau régime donneront à Israël une occasion d’exercer conte le Hezbollah une vengeance jusqu’alors différée. La période qui s’étendra de la destruction de l’ancien régime à la recherche d’une stabilisation d’un nouveau gouvernement dans le pays, signifiera un grand avantage stratégique pour Israël, parce que le Hezbollah sera isolé à la fois géographiquement et psychologiquement. Dit autrement, le Hezbollah perdra sa profondeur stratégique et ses avantages logistiques..
Notez qu’Israël, qui ne veut pas rater une telle occasion, se prépare à une nouvelle guerre depuis un certain temps. Pour ne pas répéter ses erreurs de 2006 dans la guerre contre le Hezbollah, Israël continue à tester son potentiel militaire à Gaza et améliore ses capacités techniques. Il est évident qu’Israël veut frapper le Hezbollah où ça fait mal grâce à l’expérience obtenue à Gaza. C’est un fait que les incertitudes qui suivront l’effondrement du régime syrien pourraient offrir cette occasion à Israël.
La même chose vaut pour le Hamas. Pour la direction du Hamas, un changement de régime en Syrie signifie perdre un «refuge » d’importance stratégique. Ce qui pourrait pousser le Hamas vers une ligne de réconciliation [avec l’OLP].
Par ailleurs, l’effondrement du régime syrien entraînera l’élimination de l’Iran de la région. L’Iran perdra son grand allié stratégique dans la région. De la sorte, israël serait en mesure de donner une nouvelle dimension à sa problématique profondeur stratégique.
La participation de la Turquie à la construction du système radar anti-missile de l’OTAN constitue un tournant dans sa position à l’égard de la question iranienne. Bien que la Turquie raconte tout autre chose à sa propre opinion publique, l’Iran et Israël ont très bien compris ce que cela signifie. Ce n’est pas une surprise si les généraux des Gardiens de la révolution ont menacé ouvertement la Turquie. Israël n’est plus la seule cible de l’Iran. La Turquie se trouve maintenant dans le camp d’Israël. Alors, même si Israël n’a toujours pas présenté d’excuses pour le Mavi Marmara, elle remerciera le moment venu la Turquie pour toutes ces contributions.
Nihat Ali Ozcan est diplômé de l’académie militaire d’Ankara et de la faculté de droit d’Istanbul et a soutenu une thèse de doctorat sur le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan). Il a quitté l’armée avec le grade de major en 1998.Il collabore actuellement avec un think-tank turc, le Center for Foreign Policy and Peace Research
Libellés : entité sioniste, Etats Unis, Gaza, Hamas, Iran, Mavi Marmara, Nihat Ali Ozcan, OTAN, Recep Tayyip Erdogan, Syrie, Turquie
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